La bataille de Paris - 17 octobre 1961 by Jean-Luc Einaudi

La bataille de Paris - 17 octobre 1961 by Jean-Luc Einaudi

Auteur:Jean-Luc Einaudi
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2020-11-01T00:00:00+00:00


C’est en écoutant la radio, ce matin, que le gardien de la paix Claude Toulouse a appris qu’il y a eu des manifestations hier soir. Quand il prend son service au poste de police d’Auteuil, dans le 16e arrondissement, il est affecté dans un car de police-secours qui a pour mission de se rendre au stade de Coubertin et de conduire les blessés les plus gravement atteints à l’hôpital Corentin-Celton. Certains collègues de sa brigade ont participé à la répression. « J’en ai mal dans la main... », dit l’un d’eux, rigolard. Certains se vantent d’avoir jeté des Algériens dans la Seine. « Tu ne sais pas nager ? On va t’apprendre !... » La rumeur dit qu’à la Cité le préfet de police serait descendu pour tenter de faire cesser des violences contre des Algériens. Il se serait fait rabrouer et aurait dû partir... On s’en vante, on se sent fort.

Quand Claude Toulouse arrive au stade de Coubertin, il est effrayé. Il a l’impression atroce de se trouver devant un tas de viande humaine... Les détenus, blessés, n’ont reçu aucun soin ; ils ont été purement et simplement entassés. Des Algériens désignent les plus gravement blessés d’entre eux. Ces derniers sont emmenés inconscients à l’hôpital Corentin-Celton, deux ou trois à chaque voyage. Il constate de nombreuses blessures au visage, au crâne. Les infirmières traitent les policiers de salauds, d’assassins. Claude Toulouse a honte.

Alors que son car vient d’effectuer un transport de blessés et qu’il arrive à nouveau au stade, des collègues lui apprennent qu’un Algérien vient d’être tué. Tout au long de la journée, il transportera une centaine de blessés graves 194.

Au palais des Sports, dans la matinée, deux Algériens se mettent à crier. Ils sont abattus. Dans la soirée, les mêmes scènes de violence extrême que la veille se reproduisent. Plusieurs dizaines de policiers, appartenant à tous les corps, attendent les autobus de la RATP chargés d’Algériens. Alignés sur deux rangs, ils sont armés de bâtons, de nerfs de bœuf, de gros souliers, de crosses de fusil. De temps en temps, les équipes sont relevées. On voit des pompiers, armés de gourdins, venir leur prêter main forte. Un autobus arrive. Les Algériens ont les mains sur la tête. Sur une vingtaine de mètres, ils reçoivent des coups. Les policiers visent notamment le bas-ventre. Un appelé du contingent, appartenant au service de santé des armées, voit un Algérien tué à coups de crosse. Les blessés hurlent.

Des prisonniers tombent brutalement sur le sol. Ils sont relevés à coups de pied et de crosse. Certains souffrent de fractures du crâne, des bras, des jambes.

Un autre militaire du service de santé assiste à ces scènes. Il a envie de vomir.

À l’intérieur du palais des Sports, il y a environ 6 000 Algériens. Beaucoup sont blessés, leurs vêtements tachés de sang. Des soldats distribuent de l’eau dans des casques lourds. Sur la scène de spectacle, les prisonniers défilent pour décliner leur identité ; beaucoup ont eu leurs papiers déchirés.

Derrière le rideau de la scène, une infirmerie a été installée.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.