Histoire de la pensée chinoise by Anne Cheng

Histoire de la pensée chinoise by Anne Cheng

Auteur:Anne Cheng
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Seuil
Publié: 2015-08-14T16:00:00+00:00


Échanges intellectuels dans le bouddhisme du Sud

C’est à travers des échanges d’idées sur la vacuité que le bouddhisme atteint les milieux lettrés du Sud, alors occupés à spéculer sur les rapports entre le « fondement constitutif » (benti 本體) et sa « mise en œuvre » (fayong 發用), le premier étant perçu comme l’il-n’y-a-pas (wu) assimilé à la vacuité bouddhique, et le second comme l’il-y-a (you) ou la réalité relative telle que nous la percevons. Ainsi, les sept premières écoles du bouddhisme chinois, qui se constituent en grande partie au Sud, se départagent entre les adeptes du wu qui se réclament de Wang Bi, et ceux du you, plus proches de Guo Xiang. Des tentatives, plus ou moins heureuses, sont faites pour mettre en rapport le bouddhisme avec l’acquis intellectuel chinois, à commencer par la méthode dite du geyi 格義. Utilisée en particulier par les traducteurs et les propagateurs de la Loi bouddhique dans le but de la rendre plus directement accessible, elle consiste à « faire coïncider le sens » ou « apparier les notions » bouddhiques avec des notions chinoises connues, principalement taoïstes. À titre d’exemples, l’éveil (bodhi) est compris en terme de Dao, l’extinction (nirvâna) en terme de non-agir (wuwei), l’arhat bouddhiste est assimilé à l’« homme véritable » (zhenren) taoïste, la notion d’« ainsité » (tathatâ) se trouve rendue par celle de « non-existant originel » (benwu). Cette méthode, qui finit par tomber en désuétude après l’arrivée de Kumârajîva en 402, est l’une des caractéristiques principales de la phase d’implantation du bouddhisme des IIIe et IVe siècles, où les débats se formulent dans des termes avant tout chinois, les textes bouddhiques n’étant appelés que pour fournir du combustible à l’argumentation25.

À la cour impériale des Jin orientaux qui règnent sur la Chine du Sud de 320 à 420, moines et adeptes laïques du bouddhisme côtoient les figures marquantes de la scène littéraire et artistique de l’époque, tels que Xie An (320-385), Wang Meng (env. 309-347), le poète Xu Xun (IVe siècle) ou le fameux calligraphe Wang Xizhi (env. 307-365). Tout ce beau monde revit dans les anecdotes du Nouveau Recueil de propos mondains attribué au prince Liu Yiqing (403-444)26. L’un des moines les plus éminents du IVe siècle, Zhi Dun ou Zhi Daolin (314-366), est connu pour s’être adonné aux « causeries pures ». Auteur d’un commentaire bouddhisant sur le premier chapitre du Zhuangzi, Zhi Dun souligne que notre relation d’engendrement à l’Un, tant exaltée par la cosmologie chinoise, ne fait que nous asservir à la « roue des renaissances » et nous enchaîner à une existence conditionnée perçue comme duhkha. Laissant de côté les notions de Dao et de Ciel qui dénotent traditionnellement l’unité de l’existant, Zhi Dun recourt délibérément à un terme différent, celui de LI 理, dont il fait un principe ontologique, absolu et transcendant, désormais opposé dans les écrits bouddhiques aux objets ou événements de l’expérience empirique (shi 事). La distinction de deux niveaux, celui de la « réalité ultime » et celui



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