Enfants des étoiles by H. G. Wells

Auteur:H. G. Wells [Wells, H. G.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction, General
ISBN: 9782070375721
Google: Z0ESHAAACAAJ
Éditeur: Gallimard
Publié: 1937-05-14T22:00:00+00:00

3

Après cet événement, ses idées touchant l’action des Martiens sur nous, et leurs intentions à notre égard, prirent un nouveau tour. La fusion qu’il avait crainte entre les deux courants d’idées se partageant son esprit, cette fusion s’était faite, mais de la façon la plus douce et naturelle, et c’est maintenant sans la moindre trace d’horreur qu’il se disait que sa femme et son enfant appartenaient à cette nouvelle humanité en train de naître sur la planète.

C’est à partir de ce moment-là que ses recherches, qui auparavant avaient été surtout dirigées vers les écoles pour enfants arriérés, les asiles, les monstres, les petits phénomènes et les plus grotesques produits des maternités, s’orientèrent de préférence vers les collèges et universités, avec, pour tâche, le recensement des individus exceptionnellement doués. De la chasse aux monstres, il passa à la chasse aux génies, dans tous les champs de l’activité humaine. Il médita sur les énigmes picturales de Dürer, il lut les cahiers de notes de Léonard. Il conçut un nouvel intérêt pour toutes les formes de l’art symbolique, les décorations mystérieuses des époques les plus reculées. Ces énigmes étaient-elles des cris dans la nuit, des signaux faits par des pionniers martiens, en lutte contre les coutumes et les traditions de notre monde ?

Il n’avait dit à personne – et le Dr Holdman Stedding eût été le dernier auquel il se fût ouvert là-dessus – qu’il rêvait de plus en plus des Martiens. C’étaient des rêves extrêmement logiques et cohérents. Les Martiens n’y apparaissaient plus comme des créatures répugnantes, grotesques et caricaturales, et cependant leur apparence n’était pas humaine. Ils avaient des yeux noirs, très écartés, brillants d’une résolution inébranlable, et des bouches fermes et décidées. Leurs larges fronts et leurs têtes rondes le faisaient penser aux douces têtes de sages des phoques et des chats, et il ne pouvait distinguer s’ils avaient des bras et des mains d’ombre, ou des tentacules. Sa vision avait toujours quelque chose d’un peu distordu, comme s’il avait regardé à travers l’oculaire de quelque immense instrument d’optique. Des rides plissaient le champ de la lentille et rendaient la vision plus indistincte encore, cependant que des bouquets de fusées, qu’il pensait être les rayons cosmiques, naissaient tout à coup de la masse même, explosaient, puis s’évanouissaient vers la périphérie. Il sentait que ses rêves l’introduisaient dans un monde où nos conceptions de la forme, de la causalité, de l’espace et du temps n’étaient plus valables. Il n’avait pas le sentiment, dans ses rêves, de traverser les espaces sidéraux pour aborder dans Mars ; c’était plutôt comme si un voile, ici-bas, était devenu translucide.

Une ou deux fois, à l’état de veille, il avait essayé de faire des croquis de ces personnages, spectateurs attentifs de notre vie ; mais son crayon avait été incapable de saisir leur apparence physique. Il n’avait jamais été bon dessinateur, mais il sentait que même un habile artiste aurait eu de la difficulté à fixer les plans et les dimensions de ces êtres.

En outre, il n’avait

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