Diamanda Galas by Catherine Mavrikakis

Diamanda Galas by Catherine Mavrikakis

Auteur:Catherine Mavrikakis
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Héliotrope
Publié: 2014-04-03T00:00:00+00:00


Stridences

Dans son court récit intitulé Joséphine la cantatrice ou le peuple des souris, Franz Kafka met en scène une cantatrice dont le chant serait un simple sifflement, un faible couinement pareil à celui que peuvent émettre tant d’autres souris de son genre. La cantatrice fait néanmoins sensation parmi ses semblables, même si ceux-ci ne sont pas capables de saisir la nature exacte du plaisir que leur fournit l’artiste. Dans cet étrange texte de Kafka, tout se passe comme si l’art avait une place essentielle dans la fondation d’un sentiment de communauté. Pourtant la mort de Joséphine, la mort de l’artiste adulée, ne perturbera pas la communauté qui, de toute façon, ne voulait pas lui permettre d’exercer pleinement son art en lui procurant l’argent nécessaire à son existence. Le peuple des souris construira une légende héroïque autour de Joséphine qui sera bientôt « enfouie dans le même oubli que tous ses frères ». L’œuvre de Joséphine est alors banalisée par la réception grandiose de son public.

Comment penser la place de la cantatrice dans la Cité ? L’art n’est-il que légende, et sa présence dans une communauté se fait-elle autour d’un récit nécessaire, mais abstrait et banal ? Galás, elle, me semble être le contraire de Joséphine. Peu adulée des foules, elle n’a rien d’une artiste officielle qui permettrait à un peuple de se créer une légende. Au contraire, la voix de Galás, remarquablement forte, stridente, s’inscrit dans un présent, déchire la trame d’un temps qui fait signe à un devenir légendaire. Elle ne représente pas seulement une idée de l’art, elle fonde aussi une œuvre qui ne peut être qu’insoumise au récit qui la glorifierait ou à un bien-être esthétique.

La voix de Galás fait de certains d’entre nous des Ulysse qui ne peuvent que s’attacher au mât du navire pour ne pas succomber à la séduction, pour ne pas périr sous le coup de ce drôle de syndrome de Stendhal auditif que produirait l’œuvre d’art. S’il y a, pour certains écrivains ou philosophes, comme le suggère Évelyne Grossman, une angoisse de penser qui doit contaminer le lecteur, il y a, pour Galás, une angoisse intrinsèque au chant qui doit envahir ceux qui écoutent. Un malaise s’installe souvent quand on entend Galás. Le corps se sent saisi par quelque chose d’indéfinissable, par un sentiment funeste, menaçant.

Galás a travaillé de nombreuses fois sur la question de la contamination par l’art, sur la nécessité esthétique et politique du partage d’un certain inconfort, notamment en prenant à bras le corps le texte de Poe, The Mask of the Red Death, dans lequel il est question de la peur de la contagion par la Mort rouge. Pourtant, cette voix difficilement assimilable, qui nous place sous la menace d’un danger ou d’un péril, nous avons tendance, de façon générale, à ne pas l’entendre, parce que, semblables à un autre type de peuple de souris que celui décrit par Kafka, nous sommes peut-être trop sourds à ce qui est susceptible de percer la monotonie du brouhaha contemporain. Nous



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