2022 - Rodrigo by Bégué Régis

Auteur:Bégué, Régis [Bégué, Régis]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller.
Éditeur: Lucien Souny
Publié: 2022-01-13T23:00:00+00:00

Elle passe devant moi et ouvre la porte qui donne sur la chambre en question.

– Vous avez une douche, là-bas dans le fond, si vous voulez vous rafraîchir. Le dîner est à huit heures.

J’entre ; elle referme derrière moi immédiatement, comme si elle m’interdisait de sortir jusqu’au moment du souper, dans deux heures. Je me retrouve seul. Les murs sont tapissés d’un papier peint dont les motifs en forme de fleurs et de couronnes multicolores sont d’un goût douteux, mais l’ensemble me fait l’effet d’un luxe inouï, comparé aux parpaings gris qui me tenaient compagnie chez Fatima. Au sol, le parquet est usé et grinçant, mais il paraît solide. Je m’affale sur le petit lit double qui me tend les bras, à côté duquel une lampe est posée sur un guéridon de bois. En effet, depuis ma position allongée, j’aperçois, derrière une porte entrouverte, un cabinet de toilette muni d’une douche. Je me relève. Il y a aussi fort longtemps que je ne me suis pas prélassé sous une eau tiède si apaisante. Je me recouche et je m’assoupis. Décidément, cette Marthe que je ne connaissais pas voilà deux heures me donne de revivre des plaisirs simples que je n’avais plus envisagés depuis ce qui me semble être une éternité. Quand elle m’appelle à la rejoindre pour le repas, je me rhabille en hâte, remettant mes vêtements sales, et je me précipite dans le salon. Marthe m’attend debout. Elle s’est changée, s’est maquillée, s’est apprêtée comme pour recevoir un personnage important. Cet individu, c’est moi : Rodrigo Ganos, cheveux et barbe hirsutes, couvert de haillons. Je me sens ridicule. Devant mon hôtesse, un plat de boulettes de bœuf côtoie une salade de concombres, fenouil et tomates. Je n’ai presque rien mangé depuis hier soir ; je salive à la vue de ces mets colorés et appétissants. Marthe m’invite à m’asseoir en face d’elle. Nous dînons en silence. C’est délicieux. Mille arômes d’épices réjouissent mon palais. Je fais un effort surhumain pour ne pas dévorer, vider mon assiette avec une gloutonnerie grossière. Marthe, elle, à l’inverse, déguste sa cuisine avec parcimonie, par petites bouchées. Elle ne me quitte pas du regard, me scrute avec attention, comme si elle avait peur que je m’enfuie. J’éprouve une curieuse sensation de gêne. Nous finissons le repas sans mot dire. Marthe se lève pour débarrasser. Elle ne refuse pas mon aide ; elle me demande même de lui servir un café, tandis qu’elle se rassied après être allée chercher, dans le buffet, un étui à cigarettes, en acier brossé, qui semble avoir cent ans d’âge. Elle l’ouvre et m’en propose une. J’accepte. Elle ressent le besoin de se justifier, m’explique qu’elle ne prend qu’une cigarette par jour, après le dîner. Je ne lui reprochais pourtant rien. Nous fumons en silence, puis elle me salue, me prie de l’excuser : elle a l’habitude de se coucher tous les soirs à vingt-deux heures. Elle sera debout à six heures. Je retourne à mon tour dans la chambre qui m’est réservée, mais je peine à trouver le sommeil, ayant dormi profondément juste avant le repas.

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