1914, Le destin du monde by 1914

1914, Le destin du monde by 1914

Auteur:1914 [1914]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 1914, Le destin du monde
Publié: 2015-09-01T14:22:22+00:00


19.

« Ils ont tué Jaurès. »

Dans la foule qui s’est agglutinée devant le café du Croissant, on répète ces quatre mots à voix basse, comme si l’on était agenouillé dans une église et que sonnait le glas. Et quelqu’un dit : « Demain, ce sera le tocsin. Ils ont tué Jaurès, alors c’est la guerre. »

Et Anna de Noailles à qui l’on a téléphoné la nouvelle évoque « ce héros tué en avant des armées, [Jaurès] en qui s’engloutissait la paix…».

La mort de Jaurès, on l’annonce aux ministres réunis en Conseil à l’Élysée afin d’élaborer la réponse à l’ultimatum remis à Viviani par von Schoen, l’ambassadeur d’Allemagne.

Assassiné, Jaurès ?

Les ministres, « après quelques exclamations d’horreur, se réfugient dans un prodigieux silence », note l’un d’eux.

Malvy, le ministre de l’intérieur, s’absente, revient.

« Le préfet de police me téléphone qu’il y aura la révolution à Paris dans trois heures. Les faubourgs vont descendre, dit-il.

— Alors quoi, lance un ministre, la guerre étrangère et la guerre civile ? Tout alors ! »

On décide de garder à Paris pour le maintien de l’ordre deux régiments de cuirassiers, qui devaient partir pour la frontière.

Mais Malvy refuse d’arrêter les pacifistes, les syndicalistes, les monarchistes, tous ceux qu’on a récusés dans le Carnet B, une liste établie dans chaque département.

Il était prévu de les incarcérer préventivement.

« Laissez-moi la guillotine et je vous garantis la victoire », avait plusieurs fois déclaré le ministre de la Guerre, Adolphe Messimy.

Malvy l’emporte.

On fait confiance au patriotisme des citoyens. Et d’autant plus que l’arrestation et les aveux de Raoul Villain confirment qu’il s’agit d’un acte individuel.

« Abominable et sot », dit Poincaré.

Il écrit à Mme Jaurès :

« J’apprends l’abominable attentat dont votre mari a été la victime. Jaurès avait souvent été mon adversaire, mais j’avais une grande admiration pour son talent et son caractère, et à une heure où l’union nationale était plus nécessaire que jamais je tiens à vous exprimer les sentiments que j’avais pour lui. »

René Viviani rédige la Proclamation du gouvernement qui sera affichée dans toute la France.

Il était l’ami de Jaurès. Il salue le « républicain socialiste » et souligne qu’en « ces jours difficiles et dans l’intérêt de la paix il a soutenu l’action patriotique du gouvernement… Dans les graves circonstances que la patrie traverse, le gouvernement compte sur le patriotisme de la classe ouvrière, de toute la population pour observer le calme et ne pas ajouter aux émotions publiques par une agitation qui jetterait la capitale dans le désordre…».

Mais tout est calme.

Le journaliste Gustave Hervé, connu pour son antimilitarisme, son pacifisme, compose dans cette nuit du vendredi 31 juillet 1914 la page « une » de son journal La Guerre sociale qui paraîtra demain, samedi 1er août :

« Défense nationale d’abord !

Ils ont assassiné Jaurès

Nous n’assassinerons pas la France ! »

Ce 1er août, Maurice Barrès s’incline devant la dépouille de Jaurès et écrit :

« Quelle solitude autour de celui dont je sais bien qu’il était, car les défauts n’empêchent rien, un noble homme, ma foi oui, un grand homme ! Adieu, Jaurès, que j’aurais voulu pouvoir librement aimer.



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