Yardam by Aurélie Wellenstein

Yardam by Aurélie Wellenstein

Auteur:Aurélie Wellenstein
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Scrineo
Publié: 2020-03-12T17:07:52+00:00


29

— Tu vas rester ici jusqu’à l’arrivée du doyen, dit l’autre médecin à Feliks.

Le jeune homme n’avait plus d’énergie. Ce qu’il avait fait l’écœurait. Il se sentait las, les jambes sciées par le contrecoup du choc émotionnel. Pourtant, il lui fallait encore se défendre, produire un dernier effort sans quoi il serait trop tard.

Je voulais juste sauver ma femme, pensa-t-il avec douleur. Je ne suis coupable de rien. Ils se trompent tous de cible.

Ses doigts s’enroulèrent autour de la barre de fer, toujours posée contre le mur. Son simple contact le répugnait, avec le sang et les cheveux qui y adhéraient encore. Le souvenir de ses gestes le hantait, les coups qu’il avait assénés avec ses propres mains, ses phalanges cassant les cartilages fragiles, le sang sur le visage de Kazan, son regard implorant, la façon qu’il avait – encore ! – d’incliner la tête comme Nadja, la troublante ressemblance qu’il entretenait avec elle.

— Qu’est-ce que tu fais ? demanda le médecin avec nervosité.

Feliks souleva la barre de fer et l’autre recula en gémissant de peur.

— Je m’en vais.

Personne ne chercha à le retenir. Après ce qu’il avait vu, l’état dans lequel se trouvait Kazan, l’autre médecin le considérait comme un dangereux psychopathe. Nul doute qu’on le chargerait de plusieurs blâmes ainsi que de l’interdiction absolue de revenir au Klementinum. Peu lui importait. Il devait agir autrement, non plus par la violence, mais dans le respect de ses valeurs, en convainquant les autorités. La garde traquerait Kazan et les siens. Puis, il lui faudrait trouver un moyen de délivrer sa femme.

Perturbé, choqué, Feliks retourna chez la tante de Nadja. Malgré sa nuit épouvantable, il était affamé. La femme remarqua le sang séché sur ses doigts, mais ne fit aucun commentaire. Elle l’écouta attentivement, puis à la fin, lui prit la main et lui dit avec douceur :

— Je crois que tu es fatigué.

Il ne trouva rien à répliquer ; il n’avait plus la force de s’expliquer.

— Je vais voir le maréchal des armées, déclara-t-il en claquant la porte.

Il traversa la ville à grands pas, l’esprit encore embrumé par ses réflexions. Peut-être ses souvenirs exagéraient-ils la ressemblance de Kazan et Nadja. Plus exactement, elle était comme une moire, un reflet fugace qui passait sur ses traits, dans ses yeux, dans un geste. Il prenait des risques en dénonçant Kazan à la brigade, mais ne voyait pas d’autre solution. Il ne pouvait pas agir seul, d’autant plus qu’il ne bénéficierait plus de l’appui du Klementinum. Il pourrait toujours exercer la médecine pour gagner de quoi vivre en attendant la fin de la quarantaine, mais comment se concentrer sur des maladies classiques alors qu’il détenait une information capitale sur la cause de l’épidémie de coquilles ?

Il traversa la place de Gros-Horloge. Un homme y avait été mis au pilori. Ses haillons dissimulaient mal son corps couvert d’hématomes. Son visage était tuméfié et des gens plus lâches l’avaient bombardé de fruits et de légumes pourris. Une flaque puante s’étalait à ses pieds. Feliks s’approcha avec méfiance.



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