Que ma joie demeure by Jean Giono

Que ma joie demeure by Jean Giono

Auteur:Jean Giono [Giono, Jean]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Roman
Publié: 2012-01-15T22:08:02+00:00


CHAPITRE XIII

Enfin, l’automne commença à suinter dans les maisons et les étables. C’était une odeur comme quand on a ouvert toutes les boîtes d’herbes à tisanes. Et Jourdan regarda vers le dessus de la cheminée. Les boîtes étaient fermées. Cependant l’odeur était là. Elle faisait penser à des litières, à des campements dans les bois.

Un, deux, trois, quatre, puis tous les érables s’allumèrent. Ils se transmettaient la flamme de l’un à l’autre. Les yeuses restaient vertes, les chênes restaient verts, les bouleaux restaient verts. De larges assemblées d’arbres gardaient leur paix et leur couleur mais, de loin en loin, les érables s’allumaient.

Il y avait aussi une petite liane presque clématite mais moins ligneuse. Son audace d’été l’avait emportée jusque sur le toit de la forêt. Elle avait fait toute sa vie là-dessus, étendue sur les feuillages : l’amour, les graines, elle s’était accrochée partout avec toutes ses vrilles, elle était mariée à plus de cent espèces d’arbres. Elle commença à jaunir, puis à sécher et, au bout de deux ou trois jours elle était morte. Le temps restait au chaud. Le soleil passait un peu plus bas. Le ciel restait pareil, mais la petite liane était morte. Voilà, et pourtant, pendant tout l’été elle avait supporté le poids des oiseaux et l’ombre des nuages.

Jacquou, un soir, était assis dans la cuisine. La soupe bouillait. Il était seul. Barbe était allée chercher du persil. Honoré finissait de labourer. Joséphine et les enfants étaient allés au puits. La porte était ouverte. Chaque soir, le ciel était magnifique. Le soleil se couchait après toute une grande bataille. Jacquou était assis et il écoutait. Il entendait marcher dehors. C’étaient les raclements comme quand on marche en traînant les pieds. Ça s’arrêtait puis ça reprenait. Il y avait un peu de vent ; le peuplier se balançait. Jacquou se dit : Qui ça peut être ? Il pensa à un des petits enfants, puis à Honoré peut-être arrêté là dehors, en train de regarder le ciel lui aussi ; puis à Barbe, et même il lui cria doucement : « Oh ! ma vieille ! » car le temps portait à la tendresse et à l’inquiétude. Mais rien ne répondit et ça resta un moment, tranquille, puis ça recommença à marcher. Jacquou avait envie de se dresser et d’aller voir. Loin dans les champs, Honoré cria au cheval. Le ciel semblait une prairie de violettes. Enfin, une énorme feuille d’arbre apparut sur le seuil. Elle était sèche. Le vent l’avait arrachée à la forêt et emportée. Il l’avait posée sur l’herbe. Et depuis il la poussait doucement vers la maison. Jacquou se dressa, se baissa, prit la feuille et la regarda devant derrière. Il ne la reconnut pas tout de suite. Elle était morte, dure comme de la peau d’âne. C’est après qu’il la reconnut pour être cette feuille solitaire que les vieux chênes élargissent au bout du dernier rameau de l’année. Jacquou jeta la feuille dans le feu. Barbe revint avec son persil, puis Joséphine avec l’eau et les enfants.



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