Souvenirs - Tome 1 by Vigée-Lebrun Louise-Elisabeth

Souvenirs - Tome 1 by Vigée-Lebrun Louise-Elisabeth

Auteur:Vigée-Lebrun, Louise-Elisabeth [Vigée-Lebrun, Louise-Elisabeth]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Mémoires, France, 18ème Sc., Lang:fr, Epub commercial
Éditeur: Editions l'Escalier
Publié: 2013-11-14T15:02:22+00:00


Saint-Germain, ce 27 janvier, vieux style.

Vous avez dit bien loin de moi, aimable dame : «C’est impossible !» Le véritable esprit, la bonté, la sensibilité ont dirigé votre opinion ; et ces qualités rares, si rares de nos jours, se sont, pour mon bonheur, trouvées chez vous réunies à des talents encore plus rares. Vous entendez mon impossible autant que je suis pénétrée de ce qu’il a été prononcé par vous. En effet, comment croire que jamais j’aie pu séparer un moment mes sentiments, mes opinions, mon dévouement, de tout ce que je devais à l’être trop infortuné qui, tous les jours, faisait mon bonheur et celui des miens, et dont la conservation dans des droits qui étaient attaqués par une faction perfide et sanguinaire assurait le bonheur de tous et le mien particulièrement ? J’ai eu, au contraire, l’avantage de lui donner des preuves non équivoques d’une reconnaissance telle qu’elle avait droit d’attendre. Ma pauvre sœur Augier et moi, quoique je ne fusse pas de service, avons affronté la mort, pour ne la point quitter, dans la nuit à jamais mémorable et horrible du 10 août. Sorties de ce massacre, cachées et mourantes d’effroi dans des maisons de Paris, nous avons ranimé nos forces pour parvenir jusqu’aux Feuillants, et la servir encore dans sa première détention à l’Assemblée. Pétion seul nous a séparées d’elle, lorsque nous voulûmes la suivre au Temple. Avec des faits aussi vrais et si naturels que je suis loin d’en tirer vanité, comment, direz-vous, peut-on avoir été aussi étrangement calomniée ? Ne fallait-il pas me faire payer chèrement une faveur marquée et soutenue pendant tant d’années. Pardonne-t-on la faveur dans une cour, même quand elle tombe sur une personne de la classe de la domesticité ? On voulait me perdre dans l’esprit de la reine, voilà tout. On n’y réussit pas, et l’on saura quelque jour jusqu’à quel degré elle m’a conservé sa bienveillance et sa confiance dans les choses les plus importantes. Je dois cependant ajouter, pour ne rien déguiser de ce qui a pu porter à méconnaître mes véritables sentiments, que jamais je n’avais pu amener mon esprit à concevoir le plan de l’émigration ; que je le regardais comme funeste aux émigrants, mais bien plus encore, dans mes idées à cette époque, au salut de Louis XVI. Habitant les Tuileries, j’étais sans cesse frappée de cette réflexion, qu’il n’y avait qu’un quart de lieue de ce palais aux faubourgs insurgés, et cent lieues de Coblentz ou des armées protectrices. Le sentiment et l’esprit des femmes sont bavards ; je disais trop et trop souvent mon opinion sur cette mesure qui, dans ce temps, était l’espoir de tous. Un sentiment bien différent de l’amour insensé et criminel d’une révolution affreuse dictait mes craintes. Le temps ne les a que trop justifiées ; et les innombrables victimes de ce projet ne devraient plus me les imputer à crime.

Mais enfin, j’existe à présent sous une forme nouvelle ; j’y suis livrée en entier, et avec la paix d’un cœur qui n’a pas le plus léger reproche à se faire.



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