Un De Baumugnes by Giono Jean

Un De Baumugnes by Giono Jean

Auteur:Giono, Jean [Giono, Jean]
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: Le livre de poche
Publié: 2011-09-22T08:18:37+00:00


VIII

À partir de ce moment-là, trois images sont peinturées dedans ma tête, telles que, vivantes, et qui se mettent entre le pays et moi, si bien que je les vois quand mon œil, pourtant, regarde l’arbre, l’herbe, la pomme ou le dos des collines.

Je vois l’Albin ; l’ombre de sa montagne est sur lui. L’Albin, avec sa procession de joueurs d’harmonicas ; chargé de son village qu’il porte comme un baluchon en le tenant par une poignée de son herbe grasse.

Je vois l’Angèle ; comme elle est ! Et puis, je vois le petit.

Il faut accorder tous ces gens-là ensemble. Je m’approche de maman Philomène avant la soupe et j’y dis :

— Maîtresse, voilà la foulaison finie et le tout engrangé prêt à vendre. Il y a quatre ou cinq jours qui servent à rien, laissez-les-moi ; j’ai de la famille et je voudrais bien lui dire un petit bonjour.

Elle reste avec sa pincée de sel au-dessus de la soupe.

— C’est pas des mensonges ?

— Pas des mensonges, mais de vrai.

Et puis, je vous laisse tout ; je ne veux même pas que vous me régliez la paie ; ça se fera de retour.

Et puis, aussi, je vous recommande : ne vendez rien avant que je sois là. Le patron, c’est un bon homme mais il y a des choses à quoi il pense qui l’empêchent de bien vendre. Je ferai les prix moi-même.

— Où ils sont, tes parents ?

— À Peyruis.

Elle lâche sa pincée de sel.

— Si c’est comme ça, ça va, mon garçon, tu peux profiter. Mais, retourne. C’est moi qui te le demande. Depuis que tu es là, je revis.

— Bien le merci, maîtresse, je reviendrai.

— Et quand tu pars ?

— Demain matin.

Le lendemain, levée avant moi, elle m’avait préparé du lard, du pain et un litre, tout ça enveloppé dans un grand foulard rouge.

Droit dans les yeux, je lui dis : “au revoir” et elle comprend que c’est bien “au revoir” pas adieu, et elle sourit.

Bonne femme.

Des maîtresses comme ça, ça fait les bons valets. Ça fait les bonnes fermes, aussi, quand rien se met à la traverse.

Je n’avais pas pris de sous sur moi pour pas être tenté de boire.

D’Oraison, au lieu de passer par le plan des Mées, je m’embranche sur La Brillanne parce que la route est à l’ombrage et douce au pied. Au croisement de la route de Forcalquier, je rencontre l’équipe à Casimir qui revenait de Niozelles, sa louée finie et, ça, c’est des choses qui s’arrosent. Jusqu’après dîner, je fais du “sur place” dans le “Café du Commerce” et c’est seulement vers les cinq heures du soir que je les quitte.

L’Adolphe était sous la table à ronfler comme un porc ; deux dormaient sur la banquette. Un jeunot pleurait ses trente francs qui étaient partis en apéritifs et le Casimir avait commencé un petit poker des familles avec le type du garage qui laissait corner les autos devant sa pompe à essence.

Bonne affaire !

Moi, j’avais un peu la bouche poivrée mais la tête libre.



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