L’Australie, c’est en bas à droite by Anne-France Dautheville

L’Australie, c’est en bas à droite by Anne-France Dautheville

Auteur:Anne-France Dautheville [Dautheville, Anne-France]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2228927430
Éditeur: Payot
Publié: 2021-02-10T09:39:41+00:00


Paddy-tout-plat et sa gnôle

Enfin une ville ! Enfin un pub ! Enfin une bière ! Halls Creek est née d’un coup de chance. En l’an de grâce 1885, deux hommes, Charles Hall et John Slattery, avaient entendu la rumeur : il y a certainement de l’or dans les monts Kimberley, à l’ouest de Wyndham. Ils furent les premiers sans doute, la chance les attendait. Le 14 juillet, ils tombèrent sur un pactole, au bord d’un affluent de la Ord qui, du coup, devint Hall’s Creek1. Quand ils revinrent à la civilisation, quelques semaines plus tard, ils avaient près d’un kilo de pépites dans leurs bagages.

La nouvelle s’envola vers les quatre coins du pays. Pendant deux années, plus de dix mille hommes arrivèrent à pied en poussant une brouette chargée de leur équipement, avec des chevaux ou des dromadaires quand ils en avaient les moyens. Tous rêvaient de faire fortune. D’autres vinrent en bateau. Le 24 mai 1886, le vapeur Victoria partit de Sydney ; arrivé à Wyndham, il débarqua une petite foule de futurs millionnaires. À peine avait-il ramené sa passerelle que le Halverton entrait dans le golfe de Cambridge avec à son bord 300 chercheurs, des chevaux de la Nouvelle-Zélande et du bétail récupéré à Sydney. Le capitaine n’avait aucune carte de la côte, son navire se retrouva coincé sur un haut-fond à l’embouchure de la Forrest, la rivière qui mène à Oombulgurri. En homme pratique, il décida que sa part du contrat était exécutée, qu’il n’irait pas plus loin, que ces messieurs, ces animaux n’avaient qu’à descendre à terre, Wyndham n’était pas si loin que cela. Les passagers ne furent pas de cet avis : ils avaient payé pour la ville, pas pour les crocodiles qui les attendaient sur la rive. C’est là qu’apparaît l’un des personnages extraordinaires que l’on croise dans ce genre d’aventures : Paddy-tout-plat (en anglais, Paddy-the-flat). Il participa très vigoureusement au déluge d’injures à l’intention du capitaine. Pendant ce temps, la marée monta, le Halverton se désembourba et l’on fila jusqu’au port. Les passagers s’en allèrent, leurs paquets à la main. Paddy-tout-plat, sans doute inspiré par les coolies chinois, accrocha les siens aux deux extrémités d’une perche qu’il posa sur son épaule. Un éclat de rire général salua cette invention.

– Fourre de la bouffe dans tes paniers ! Quand ça se cassera la gueule, t’en fais pas, on se goinfrera !

Paddy sourit gentiment, prit la route, arriva un jour avant tous les autres sur le terrain, et ne trouva rien. Alors il changea sa perche d’épaule, construisit une cabane en planches, devint bistrotier. Il vendit de la gnôle, élaborée sur place à partir d’inavouables recettes. Trois gorgées vous fouettaient un homme cent fois plus qu’une ruade de mule. Dix ans plus tard, il tenait un magasin de tout et n’importe quoi, vendait une mixture baptisée ginger beer, de la nourriture aussi. Comme il était analphabète, son cahier de comptes ressemblait à un relevé d’égyptologue : chaque client avait sa page, identifiée par un petit dessin.



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