LA VIE DE FRANZ LISZT by Guy de Pourtalès

LA VIE DE FRANZ LISZT by Guy de Pourtalès

Auteur:Guy de Pourtalès [Pourtalès, Guy de]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Biographie
Éditeur: Les Bourlapapey Bibliothèque numérique romande
Publié: 2013-06-26T19:09:46+00:00


XVIII

Il y a quatre ans que Liszt et Wagner ne se sont pas revus lorsque, aux tout premiers jours de juillet 1853, Franz peut enfin se mettre en route pour Zurich. Ses poches sont pleines des dernières lettres de l’ami qui l’attend, l’appelle, et s’impatiente, tellement est impérieux en lui le besoin de se déballer cœur et cerveau. Ces deux hommes ont placé leur affection dans un univers où elle se développe sous le signe de l’idéal. Elle les domine ; elle domine le quotidien. Elle est consubstantielle à leur âme. Même l’amour naissant de Wagner pour Mathilde Wesendonck et celui de Liszt pour Carolyne ne s’élèvent pas à ces régions platoniciennes de l’Aphrodite Céleste. « De près ou de loin, chacun se souvient de son élu, dit à Socrate Diotime, et il nourrit en communion avec lui le fruit de sa grossesse. » « Restons-nous fidèles l’un à l’autre, pense Franz, le monde dût-il périr. »

Wagner attend Liszt devant l’hôtel des postes dès sept heures du matin. Ils s’étouffent d’embrassements. Wagner pleure, rit, tempête de joie. « Il a parfois comme des cris d’aiglon dans la voix. » Liszt le dévisage, lui trouve bonne mine, bien que maigri. Ses traits, en particulier le nez et la bouche, ont pris une finesse et un accent remarquables. Il est mis avec quelque recherche. On se rend tout de suite au logis de Wagner, un appartement confortable au deuxième étage d’une des vieilles maisons de Zurich, la maison Escher. Des meubles neufs viennent d’être achetés et Liszt s’extasie sur cette petite élégance : un canapé, un fauteuil en velours vert, un beau piano et les partitions de Rienzi, de Tannhäuser et de Lohengrin reliées en maroquin rouge. Mme Wagner est là, épaissie, point belle, mais de bonnes manières, serviable, faisant elle-même la cuisine pour les deux amis.

Son mari est tellement excité que, vingt fois dans la journée, il saute au cou de Franz, se roule par terre en caressant son chien, se jette sur son piano et, quand il ne chante pas lui-même, fait siffler par son perroquet un motif de Rienzi. Il attaque les grandes questions :

– L’art n’est qu’élégie, dit-il en développant son thème favori des souffrances de l’artiste.

– Oui, et le Dieu crucifié est une vérité, répond Liszt.

Lohengrin, Tannhäuser, Siegfried, sujets inépuisables. La voix de Wagner s’altère dès qu’il évoque l’inlassable activité que Franz déploie pour faire connaître ses œuvres.

– Vois ce que tu as fait de moi ; c’est à toi seul que je dois le peu que je suis.

Et il lui ressaute au cou. Puis Liszt se met au clavier et joue le duo de Lohengrin et d’Elsa, qu’ils chantent ensemble d’un bout à l’autre. Wagner décide de tenir table ouverte pendant le séjour de Franz. Rien ne lui est assez magnifique. Il déclame bientôt des passages de l’Or du Rhin que l’ami écoute avec une surprise pleine d’effusions. Quelle force chez ce petit homme vibrant. « Une grande et grandissime nature, quelque chose comme un Vésuve en train de feux d’artifices, lançant des gerbes de flammes et des bouquets de roses et de lilas.



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