Fort de l'Eau by Fort de l'Eau

Fort de l'Eau by Fort de l'Eau

Auteur:Fort de l'Eau [l'Eau, Fort de]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-09-02T16:59:15+00:00


Ce trou dans le panneau de Lamia tourne dans ma tête… Je voulais un voile… C’est sûr maintenant, c’est la fatma de Saint-Eugène qu’il essayait de raconter… Tu sais, dans certaines tribus, ils ne laissent qu’un œil non voilé. Parce que deux yeux, c’est déjà un regard… J’avais essayé de vérifier ce que monsieur Fernando m’avait dit sur mes petites sœurs. Même avec un seul, on voyait bien qu’elles n’étaient pas contentes.

Moi, c’est dix paires d’yeux qu’il m’aurait fallu quand on s’était trompés de route vers Guyotville, je crois.

— Purée, mais qu’est-ce qui m’a pris de donner la carte à un bizoutche pareil !…

Monsieur Fernando était furieux. D’accord, on s’est perdus dans un nuage de poussière, et arrêtés pile au bord d’une falaise. Il n’y avait plus qu’à pousser et on dégringolait au fond. Même un archéologue n’aurait rien retrouvé. Mais qu’est-ce que je pouvais faire, quand la carte ne correspondait plus au pays ! Les panneaux avaient disparu, on avait changé les noms ou barbouillé les pancartes avec du goudron.

On avait attendu des heures en plein cagnard qu’on vienne tirer la voiture et la baraque ensablées… T’avais ton chapeau, au moins !… Mais m’am, je suis un arrière-arrière-arrière-petit-fils d’esclave. Le soleil, ça doit rien me faire… Et si tu m’attrapes une insolation ?… Une insolation ! Pourquoi pas « coup de soleil » pendant qu’elle y est ? Là, encore, je connais le mot, mais pas la chose. Après la plage, je les vois bien les écrevisses de mon âge faire des grimaces, se tortiller et gémir quand leurs mères les passent au vinaigre. Mais pas un arrière-arrière-arrière-petit-fils d’esclave ! Je veux bien être trop petit de partout, avoir les pieds fuyants, les genoux pointus, la poitrine plate et le front trop étroit. Mais, moi, je n’ai pas à porter de chapeau en plein soleil. Ce serait comme trahir les ancêtres.

— Si ça continue comme ça, je sais pas si on pourra la continuer, cette tournée. En plus de la scoumoune, y a l’autre qui fait son balluchon. Tu peux te promener cet après-midi, gamin. On décidera ce soir.

Je n’aime pas me promener à cette heure. Il fait trop chaud. Je préfère grimper dans un arbre à cabanes avec un casse-croûte. J’ai rencontré un arbre immense avec les branches à ma taille. Je ne sais pas ce que c’est, mais de là-haut, je verrai peut-être jusqu’à Fort de l’Eau. La m’am me ferait un petit signe avec son torchon. En fait, je vois jusqu’au fond d’une cour. C’est là que j’ai rencontré ma première « chose impossible à raconter ». C’est un paysage. Il est peint à l’intérieur de la cour. Une sorte de fresque. Elle est bizarre. J’essaie de comprendre. Car tout à coup, dans ce paysage de désert, je vois un homme en chéchia rouge et burnous blanc. Il sort d’une femme habillée d’un voile bleu. Ça ressemble un peu à un drapeau entortillé.

— Ah, non ! Pas tes histoires impossibles. On y comprend déjà plus rien.

— Tu ferais mieux de raconter la fresque de papa dans la salle à manger.



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