La Saline T2 - Impasse by Lacoursière Louise

Auteur:Lacoursière, Louise [Lacoursière, Louise]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Québécoise, Lang:fr, La saline
Éditeur: Libre Expression
Publié: 2013-09-23T16:10:19+00:00

Heureux de leurs retrouvailles, les amis sirotaient un brandy dans une des salles feutrées du club où Benjamin était devenu membre quelques semaines auparavant. Situé non loin du palais de justice, leur local jouxtait la rue Saint-Jean-Baptiste. Judy demeurait-elle encore chez son amie Catherine? Si oui, il se trouvait à quelques pas d’elle. Il songea à partager ce pan de sa vie avec Benjamin, mais il se ravisa.

Ensemble, ils s’étaient rendus chez un apothicaire de la rue Sainte-Catherine, où Antoine s’était procuré en quantité de la teinture d’iode, du nitrate d’argent, des caustiques légers, de l’acide borique et de l’iodure de potassium en plus des principaux médicaments couramment utilisés, ainsi que tous les articles requis par les Drs Lebel et Beauchemin. Ce dernier lui avait promis une visite à Saint-Léon dans les prochains jours.

Heureusement que Benjamin était venu avec lui! Quatre bras n’avaient pas été de trop pour transporter tous ces achats.

Dans un coin de sa boutique, l’apothicaire avait suspendu un grand nombre de béquilles, de différentes longueurs et de différentes formes. Même si elles s’avéreraient encombrantes au club comme dans le train, Antoine avait résolu d’en rapporter une paire à Hector.

— Contrairement à celles que j’ai vues au magasin de Paul Fortin, ces béquilles-là sont ajustables. Hector sera content. Je te remercie d’avoir également pris le temps de m’accompagner à l’Institut Nazareth et Louis-Braille. Grâce à toi, je vais faire une heureuse!

— Mais dis-moi, à qui offriras-tu ce livre en braille?

— À la fille d’un ami.

Un ami? Le cœur de Benjamin se serra.

— Je ne veux pas être indiscret, mais de qui s’agit-il?

— Elle se nomme Anne et elle a douze ans. C’est la fille de Napoléon Alarie.

— Hein? Napoléon? Ah oui! C’est vrai, il a une fille aveugle, mais je ne l’ai jamais vue.

— N’est-ce pas aberrant? On vit dans le même village, après tout! Je l’ai rencontrée pour la première fois lors d’une visite chez les Alarie. Anne est une enfant éveillée, brillante et, à ma grande surprise, elle a appris à lire le braille grâce à son père. Étonnant, ce Napoléon.

Depuis qu’Antoine avait fait la connaissance d’Anne, à tout moment, elle occupait ses pensées. Comment, avec un livre, réussirait-elle à tirer son épingle du jeu? Une enfant recluse de surcroît!

Benjamin leva son verre.

— Eh bien! À la fille de Napoléon!

Il ne s’était pas aussi bien senti depuis longtemps. La présence d’Antoine le malmenait, mais pour rien au monde il n’aurait donné sa place.

— Si je me souviens bien, Antoine, j’ai lu dans une rubrique de mon journal que l’Institut Nazareth et Louis-Braille a récemment adopté le programme de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

— Je m’en réjouis. Pour affranchir les aveugles de l’oisiveté et pour leur permettre de s’intégrer à la société, quoi de mieux qu’une bonne formation?

Sur place, il avait colligé tous les renseignements disponibles et s’était enquis des conditions d’accueil dans le but d’en informer Napoléon. Ce milieu conviendrait-il à Anne?

— As-tu vu ma mère, dernièrement, Antoine?

— Je suis allée chez vous il y a quelques semaines.

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