La fêlure de Thomas by Hugues Corriveau

La fêlure de Thomas by Hugues Corriveau

Auteur:Hugues Corriveau [Corriveau, Hugues]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
ISBN: 9782897113933
Éditeur: Éditions Druide
Publié: 2018-01-03T05:00:00+00:00


LES MOMENTS MAGIQUES

Il y a eu nos batailles cruelles, nos peaux marquées par les coups, nos disputes sans fin à propos du moindre désaccord, nos empoignades des « plus fort que toi » « menteur » « porte-panier » et ce qui mettait nos corps à l’envers, l’un contre l’autre, pour arriver à nous aimer encore, à nous trouver bêtes à bon Dieu.

Il y a eu ces moments de grâce où tu me faisais la lecture parce que tu avais appris l’imparfait. Tes mots hésitaient. Tu voulais en goûter chaque parcelle, chaque syllabe qui allait s’accumuler jusqu’à la fin finie de ta lecture. J’étais à l’écoute de ta voix quand les cloches de l’église ponctuaient l’heure de raconter la vie des Frères Karamasov dont tu avais retranscrit le titre en russe sur la page de garde, en me disant qu’un jour tu saurais lire ces lettres, comme s’il s’était agi d’une langue magique et folle que tu réussirais à décoder : братья Карамазовы.

Il y a eu, aussi, les grands dérangements des leçons, les difficultés qui étaient les tiennes à apprendre correctement. Et moi qui te poussais dans le dos parce que l’étude m’était facile, parce que j’avais la « tête enflée », « grosse tête… grosse tête… », t’amusais-tu à chanter à travers la maison, vomissant mon nom « Thoooheurk… mâââsheurk… », parce que tu m’en voulais d’être meilleur que toi à l’école.

Il y eut cette différence, dès la troisième année, parce que je sus vite qu’il me faudrait trouver ma place au milieu des mots de la vie incommensurablement terriblifiquement compliquée.

Je savais que les mots avaient du pouvoir, le pouvoir sur toi et sur les autres.

Nous lancions des noms lasers, protégés par nos tentes de draps, le soir, parce que nous n’avions pas pu écraser leurs faces de singes, à ceux qui, « des tapettes pour des tapettes », nous vomissaient dessus en prononçant nos noms. Des déchets de la société qui avaient seuls les mots pour attaquer parce qu’ils avaient appris totalement les procédures du grand Tout de l’Univers universel.

Il y a eu des tremblements d’amour parce que tu m’avais aidé, parce que tu m’avais battu, parce que nous nous mordions, que nous roulions dans le toboggan du lit, que nous allions à travers les rues, que nous grimpions dans les échelles et les escaliers du quartier, parce que nous mangions des pâtisseries achetées par la mère de Paco.

Nous savions que le sens des choses changerait de camp, de bord, alors que nous allions être abandonnés, au bord de la route, de la vie, loin l’un de l’autre à cause du destin, parce que c’est ainsi qu’on parle à la télévision, et que les prédictions annoncent des séparations.

Il y aurait eu contre nous, si la vie avait duré en commun, notre inévitable rupture, avec les affres de l’abandon des frères, parce qu’ils sont trop grands pour rester au creux des lits pleins des tentes et des abris nucléaires.

Il y a eu des choses pour les souvenirs parce que



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