det_La pathologiste : Dr. Lesley Richardson enquête by Elisabeth Tremblay

Auteur:Elisabeth Tremblay [Elisabeth Tremblay]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Québec
Éditeur: Flammarion
Publié: 2022-03-21T20:23:09+00:00

* * *

— De l’atropine!

Le nom de l’alcaloïde végétal résonne comme un cri de victoire dans le laboratoire de chimie. Fébrile, Lesley compare encore, deux fois plutôt qu’une, le dernier résultat obtenu avec ce qu’elle peut lire dans le livre de référence ouvert sur le comptoir de bois usé, derrière elle. Après avoir éliminé la possibilité de la nicotine et de divers opiacés, elle a maintenant la réponse tant attendue. Elle n’aura donc pas à tester davantage de réactifs.

— De l’atropine? s’étonne Charles, qui l’a rejointe. Voilà qui est étrange…

Il est déjà en train de feuilleter le livre de botanique que Lesley lui a rapporté, faute de temps pour le lire en entier. Il s’arrête bientôt sur une page montrant le dessin d’une plante arborant de grandes tiges et des grappes de petits fruits ronds: raisin du loup. Lesley lit les premières lignes.

— C’est la seule source d’atropine que je connais au pays, dit Charles. Cette sorte de morelle ne pousse pas dans la province à l’état sauvage. Je ne suis même pas certain que ce soit une espèce indigène au Canada. Ses origines ne semblent pas claires.

Lesley hoche la tête, poursuit sa lecture. La plante, forte en amertume, est toxique seulement si on en chique les feuilles ou consomme les fruits encore verts. Même si Samuel en avait trouvé quelque part, elle ne voit pas pourquoi il aurait fait l’un ou l’autre. Les fruits mûrs sont toutefois sans danger.

— Il est écrit que c’est mortel à forte dose. Vous avez déjà eu connaissance d’un cas, Charles?

Il secoue la tête.

— Mortel, non. Mais un collègue d’une autre province m’a déjà parlé des hallucinations que la plante peut provoquer.

— Des hallucinations?

Lesley cherche sur la page une mention concordante, qu’elle trouve en note. Avec bien peu de précisions, si ce n’est que quelques rares cas ont été observés. Elle n’est pas surprise: les données en botanique, comme dans bien d’autres domaines, sont trop souvent insuffisantes pour les besoins de scientifiques comme elle.

— Oui, avec de la confusion et peut-être de la paralysie aussi, mais je ne suis vraiment pas certain.

Il a un sourire d’excuse avant de reprendre:

— C’était il y a bien longtemps, Lesley. Et je n’ai plus entendu parler de raisin du loup depuis, je suis désolé.

— Ah, mais ne vous inquiétez pas, je trouverai bien de quoi il retourne…

— Le contraire m’étonnerait, approuve-t-il avant de reprendre son travail.

Lesley reste debout devant le livre, songeuse. Est-ce que ça pourrait être des hallucinations qui ont poussé Samuel à tenter de fuir au lieu de se défendre? À moins qu’il n’ait été paralysé? Comment le savoir? Et puis, qui avalerait toute une poignée de petits fruits pas mûrs, amers? À la première bouchée, l’envie de recracher devrait l’emporter. Sans compter qu’il y avait surtout du liquide dans l’estomac de Samuel, très peu de solide. Des fruits ou des feuilles, ça laisse davantage de résidus, des petites graines aussi.

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