La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli by Paul Ricoeur

La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli by Paul Ricoeur

Auteur:Paul Ricoeur
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Seuil
Publié: 2014-06-14T16:00:00+00:00


Jusqu’où l’épistémologie critique de l’opération historiographique est-elle habilitée à s’avancer sur cette piste où l’entraînent les « commentaires pascaliens » de Louis Marin ? Pas trop loin de sa région de compétence, même si on étend celle-ci à l’ordre des représentations liées à la pratique sociale. Mais assez loin néanmoins, s’il faut trouver dans la dimension supra-politique du discours anthropologique une raison, un encouragement, un appui, au moment de poser la question de savoir si d’autres figures du pouvoir que celle du roi absolu sont susceptibles de recevoir un éclairage même latéral à la faveur de l’élargissement de la problématique de la représentation du pouvoir que l’anthropologie pascalienne rend possible.

Nous avons déposé au cours de notre réflexion plusieurs pierres d’attente sur ce chemin qui, sans quitter les représentations du pouvoir, conduit dans les parages de configurations politiques postabsolutistes où d’autres prestiges de l’image sont susceptibles de s’exercer, à moins que ce ne soient les mêmes sous d’autres guises.

Un mot peut cristalliser le point de l’interrogation : le mot « grandeur ». Il appartient en effet aux deux registres du politique et de l’anthropologique ; en outre, il a partie liée avec la problématique de la représentation à travers le mode rhétorique de la louange. Retournons une dernière fois auprès de Pascal. Par un côté, la grandeur appartient à la même constellation que la misère dont elle est l’autre pôle dans l’ordre des contrariétés et de la disproportion de l’homme, et que la vanité qui la rabat sur la misère : « La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable ; un arbre ne se connaît pas misérable. C’est donc être misérable que de (se) connaître misérable, mais c’est être grand que de connaître qu’on est misérable » (fragment 114). Par un autre côté, la grandeur touche au politique : « Toutes ces misères là même prouvent sa grandeur. Ce sont misères de grand seigneur. Misères d’un roi dépossédé » (fragment 116). Pascal insiste : « Car qui se trouve malheureux de n’être pas roi sinon un roi dépossédé » (fragment 117). Or, la figure du roi dépossédé n’est pas de simple passage : l’homme en général peut être vu comme un roi dépossédé. Or c’est ce roi dépossédé que, dans une étonnante fable destinée au jeune prince, Pascal voit « jeté par la tempête dans une île inconnue, dont les habitants étaient en peine de trouver leur roi qui s’était perdu ». Voilà que cet homme qui se trouve ressembler au roi perdu est « pris pour lui, reconnu en cette qualité par tout le peuple ». Et que fit-il ? « Il reçut tout le respect qu’on lui voulut rendre et se laissa traiter de roi61. » C’est donc un « effet de portrait », un « effet de représentation » qui fait le roi. Et c’est à son tour l’image, dédiée au prince, de ce « naufragé roi », devenu l’« usurpateur légitime », qui donne sa force d’instruction à l’épître. En cette image, se joignent le politique et l’anthropologique.



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