Je suis une sur deux by Giulia Foïs

Je suis une sur deux by Giulia Foïs

Auteur:Giulia Foïs
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Flammarion
Publié: 2020-03-11T16:00:00+00:00


<script src="Javascript/togglenotes23.js" type="text/javascript"/> <meta content="urn:uuid:af4931e4-f5dd-4253-a22a-bfeec4edbf66" name="Adept.expected.resource"/> </head> <body> <div class="div-chap"> <p class="chap-tit">Devenir l’une d’entre elles</p> <div class="div-dev"> <p class="dev-txt-j"><span epub:type="pagebreak" id="page0119" role="doc-pagebreak" title="CXIX"/>Je suis retournée au Collectif féministe contre le viol.</p> <p class="dev-txt-j">Le temps avait passé&#160;: presque dix ans depuis le viol, sept depuis le procès, un depuis Despentes et Autain. Surtout, j’avançais, non pas masquée, mais armée. Protégée par ma carte de presse, j’y retournais comme journaliste. Je pigeais, à l’époque, pour <i>Marianne</i>, et ma rédactrice en chef, qui par ailleurs connaissait mon histoire, m’avait proposé une longue enquête pour un état des lieux du viol en France. Dix pages sur le viol, c’était extraordinaire, à une époque où on en parlait bien moins que maintenant&#160;: j’avais la place que je voulais, j’avais le temps que je voulais, j’avais surtout une foule de questions restées sans réponse depuis toutes ces années. Et elles me taraudaient. J’avais beau les chasser, elles revenaient. Alors j’y suis retournée.</p> <p class="bl1">&#160;</p> <p class="dev-txt-j"><span epub:type="pagebreak" id="page0120" role="doc-pagebreak" title="CXX"/>Pour la première fois, j’ai rencontré des femmes à qui c’était arrivé. J’ai affronté, en miroir, une partie de ce que j’étais. Celle que j’aimais le moins regarder. Elles, je les ai aimées. Contre toute attente, au-delà de toutes mes réticences, je me suis immédiatement sentie bien avec celles dont je partageais l’épisode le plus nauséabond de ma vie. Elles savaient que j’étais journaliste, pas comme elles. Mais victime, comme elles. Que j’écrivais pour moi, pour elles, pour nous. Dépassant, comme moi, leurs résistances premières, elles se sont jetées à l’eau. Elles ont raconté le viol, et les menaces qui pétrifient, les insultes qui cognent, les moqueries qui salissent, ce sexe dont tu ne veux pas, cette peau qui t’horrifie, ce moment où tu te crispes, et puis cet autre où tu lâches, celui où tu ramasses tes affaires, où tu files ventre à terre, où tu voudrais mettre tout ça derrière, mais alors la honte, et alors le dégoût de toi-même, et le regard des autres, qui t’implore le silence, pour peu que tu aies essayé de dire, et le temps, l’énergie, la force qu’il te faudra, ensuite, pour te laver de ce que tu crois être le poids de ta faute. D’ailleurs, elles s’étaient toutes lavées. Comme moi. On avait toutes fait la même connerie. Plus fort qu’elles, plus fort que moi, on savait pas. Comme moi, elles racontaient aussi que depuis, elles avaient peur, partout, tout le temps. Et qu’elles étaient attentives <span epub:type="pagebreak" id="page0121" role="doc-pagebreak" title="CXXI"/>à tout, au moindre bruit, au moindre mouvement&#160;: oreille dressée en permanence, et une paire d’yeux dans le dos. Ça s’appelle l’«&#160;état d’hypervigilance&#160;» et c’est l’un des symptômes du «&#160;stress&#160;post-traumatique&#160;». Les mots étaient nouveaux pour moi, mais elles en souffraient toutes. Nous en souffrions toutes. Toutes, nous tentions encore, des mois, des années après, de rassembler des fragments de nous, ceux qui avaient volé en éclats à ce moment-là. Car, plus étrange encore, nous avions toutes ressenti ce moment où nous nous sommes coupées en trois&#160;: notre corps, notre Moi et notre Super Moi.



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