03Les masques de sang by Fabrice Colin

03Les masques de sang by Fabrice Colin

Auteur:Fabrice Colin [Colin, Fabrice]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782075018456
Éditeur: Gallimard Jeunesse
Publié: 2011-02-24T23:00:00+00:00


Elle crut, d’abord, qu’il s’agissait d’un rêve : craquettements, crépitements, et des cris, bientôt, puis cette odeur ! et la voix de sa sœur, agenouillée devant son divan, la secouant comme un arbre.

Mais ce qui se passait était réel.

– Amber ! Amber, réveille-toi !

Elle se redressa, hébétée. Luna la tirait à elle. Elle bascula sur le parquet, gémit, se redressa.

De la fumée passait sous la porte.

– Que… Que se passe-t-il ?

– Un incendie.

Elles se traînèrent à la fenêtre, s’abritant derrière leurs bras. Un panache de fumée noire s’élevait devant elles. Luna se retourna.

– J’ai fermé parce que ça brûle, derrière, en bas, partout – impossible de descendre.

L’aînée des Wilcox se plia en deux, saisie par une quinte de toux. Elle se frotta les joues. Ses forces l’avaient désertée. La peur avait pris leur place. De l’autre côté, on entendait le ronflement puissant des flammes, et des hurlements assourdis.

– Amber ! Luna ! Ici !

Browning se tenait sur le quai bordant le petit canal. Il leur faisait de grands signes.

– Il faut sauter, marmonna la cadette.

Elle étouffa une vague de nausée. Elles titubaient, ivres de douleur sous la morsure du soleil ; c’était une journée d’hiver éclatante et le Grand Canal miroitait.

– Sauter…, répéta Luna.

Les deux sœurs se penchèrent. Luna donna la main à son aînée et passa une jambe par-dessus le balcon. Browning les encourageait de la voix.

Luna geignait comme un nouveau-né. L’autre jambe. L’autre jambe ! Elle leva les yeux. La lumière était intolérable. Un effort. Un effort ! Elle haletait, maintenant, et la présence de sa sœur s’évanouissait, réduite à une plainte à peine perceptible. Mais elle franchit la rambarde. Seule.

Sans le décider, elle lâcha prise. Les perspectives s’inversèrent, puis elle sentit la lourdeur de sa chute et, telle une pierre, creva la surface des eaux mortes.

Amber croassa une supplique qui ne s’adressait à personne. Elle revint à la porte, crispa une main sur la poignée brûlante. Une remontée acide lui vrilla l’estomac. Il lui semblait que son crâne avait pris feu. Elle voulut se relever. En vain.

– Accroche-toi.

Deux bras la redressaient, la tiraient par les aisselles. Elle ouvrit les yeux. C’était Wilfred – ce bon, ce merveilleux Wilfred.

– Tiens-toi à moi. Ça va aller. Ça va aller.

Elle essaya de faire comme il disait, se sentit soulevée. Elle renversa la tête. La porte avait été laissée entrouverte. Wilfred sortit en vacillant. La fumée le fit tousser.

– Essaie de ne pas inhaler.

Elle hoqueta. Des craquements partout, une chaleur étouffante. Son sauveur trébucha encore, puis s’engouffra dans un escalier tapissé de suie. Il retenait sa respiration. Des flammes sanglantes ondulaient comme des danseuses, léchant les murs, dévorant toiles et tentures. Il sembla à Amber, perdue dans les limbes, que le métal d’un lustre commençait à fondre.

D’un coup de pied, Wilfred brisa la vitre qui donnait sur le Grand Canal. Deux gondoliers s’écartèrent, surpris. Ils avaient pris place sur le ponton pour tenter de porter secours aux occupants du palais.

– Aiuto !

Le jeune garçon exhibait Amber, inerte dans ses bras. Il devait la laisser glisser jusqu’à eux.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.