Véra Baxter ou Les plages de l'Atlantique by Marguerite Duras

Véra Baxter ou Les plages de l'Atlantique by Marguerite Duras

Auteur:Marguerite Duras [Duras, Marguerite]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2727300786
Éditeur: Éditions l'Albatros


BAXTER VÉRA BAXTER

Véra Baxter sortait de pension, lorsqu’elle s’est mariée avec Jean Baxter. C’était un ami de ses frères, elle l’avait toujours connu. Elle avait vingt ans.

Depuis ce mariage, jusqu’au film, dix-huit ans ont passé. Elle a eu trois enfants. C’est à la naissance de Christine que Jean Baxter s’est ruiné pour la première fois. Et puis, c’est à la naissance de Marc que l’argent est revenu. Pour ensuite encore, de nouveau faire défaut. Pour ensuite encore revenir.

À l’époque précise du film, il y a de l’argent chez les Baxter. Il y en a beaucoup. De quoi payer une villa d’été un million pour le mois d’août. Véra Baxter a trente-huit ans.

On pourrait dire de l’existence jusque-là menée par Véra Baxter qu’elle est criblée de chiffres, de dates, de repères chiffrés, datés. Et selon le répertoire événementiel habituel on pourrait aller jusqu’à dire que cette existence ne se traduit qu’en termes de bilans financiers.

Rien n’est en effet arrivé à Véra Baxter sauf, pendant dix-huit ans, d’avoir aimé son mari dans la fidélité. Pour aucun, l’événement, ici, c’est cette durée. Pour d’autres encore, c’est l’immoralité de cet amour-là, celui d’un homme dont Véra Baxter elle-même nous apprend qu’il est « ordinaire, sans imagination », voleur patenté, joueur, coureur, qui n’a rien d’autre, dit-elle, rien d’autre que ça : l’argent. Mais, ajoute-t-elle, mais qui le sait. Qui a cette qualité-là, de le savoir de lui-même.

Jusqu’au film, c’est lui, Jean Baxter, qui a opéré l’inévitable puisement du désir au-dehors pour le ramener vers le couple. Lui seul, qui, jusqu’ici a ramené le frais désir de la nouveauté et qui en a nourri le mariage — cela, selon des voies secrètes et qui défient toute analyse, fussent-elles de pratiques les plus exercées.

Elle, non, elle ne va pas au-dehors.

Elle reste à la maison avec les enfants, les bonnes à tout faire et les femmes de ménage. C’est à ces compagnies qu’elle doit sans doute ce parler simple, presque laborieux, comme arraché d’elle, cette ingratitude, cette difficulté à se hisser hors du silence.

Véra Baxter a aussi beaucoup attendu dans son appartement de Malesherbes ou de Passy. Car souvent, lui, il partait avec des femmes qu’il rencontrait — et dont il croyait chaque fois qu’elles étaient celles de sa vie. Chaque fois il partait sans prévenir. Et elle, chaque fois, elle attendait dans l’épouvante. Jusque-là, dit-elle, au bout de quelques jours, quelquefois trois jours, quelquefois quatre jours, il a toujours recommencé à téléphoner. Dans ces cas-là, la permanence du couple s’est cependant toujours manifestée. Quand il partait, Jean Baxter envoyait des chèques à sa femme. Comme d’autres le font de faux télégrammes ou de lettres mensongères. Jamais il n’a oublié d’envoyer le signal que le mariage continuait quelque part : l’argent. L’argent ensemble.

Nous nous tenons, ici, bien entendu, dans les apparences institutionnelles du mariage. Jamais nous n’essayons de pénétrer dans les lieux économiques et clos de cette durée.

La maison Baxter est à fuir pour qui pense de la passion et en parle. Ici, rien d’héroïque n’arrive, rien d’exemplaire, rien de clair.



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