Utz by Bruce Chatwin

Utz by Bruce Chatwin

Auteur:Bruce Chatwin [Chatwin, Bruce]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Les Cahiers Rouges
Publié: 2012-04-03T22:00:00+00:00


Dieu, Notre Créateur,

D’un faiseur d’or a fait un potier.

En 1708, il remet à Auguste les premiers échantillons de grès rouge et, l’année suivante, de porcelaine blanche.

En 1710, la Manufacture royale de porcelaine de Saxe est fondée à Meissen et commence à commercialiser ses produits. « Arcanum » – un mot tiré du vocabulaire des alchimistes – devient le terme officiel utilisé pour la composition chimique de la pâte. La formule est déclarée secret d’État. Presque aussitôt, le secret est divulgué par l’assistant de Böttger et vendu à Vienne.

En 1719, Böttger meurt, victime de l’alcool, de son état dépressif, d’hallucinations et d’empoisonnement chimique.

Au cours de la période inflationniste que connaît l’Allemagne en 1923, les banques de Dresde émettent une monnaie provisoire faite dans la porcelaine rouge et blanche « de Böttger ».

Utz possédait quelques spécimens de cette « drôle de monnaie ». Il les laissa tomber, comme des chocolats, dans le creux de ma main.

« Très intéressant, dis-je.

— Mais maintenant je vais vous raconter quelque chose de plus intéressant. »

La plupart des spécialistes de la porcelaine, poursuivit-il, ont considéré la découverte de Böttger comme l’une des retombées pratiques de l’alchimie, semblable, par exemple, à l’usage du mercure pour soigner la syphilis que préconisa Paracelse.

Lui n’approuvait pas cette interprétation. Il pensait qu’il était stupide d’attribuer aux temps anciens les préoccupations matérialistes de notre époque. L’alchimie, sauf chez ses pratiquants les plus vulgaires, n’avait jamais été une technique destinée à multiplier les richesses ad infinitum. C’était un exercice mystique. La recherche de l’or et celle de la porcelaine furent les deux facettes d’une quête identique, celle de la substance de l’immortalité.

Quant à lui-même, il s’était lancé dans les études alchimiques sur les conseils de Zikmund Kraus. Il y avait trouvé là, tout à la fois, un domaine où pouvaient s’exprimer les tendances qui le poussaient vers la connaissance universelle et le moyen de hisser sa « maladie de la porcelaine » à un niveau métaphysique, de façon à ce que, si les communistes venaient à lui confisquer sa collection, il continuât néanmoins à la posséder.

Utz avait lu son Jung, son Goethe, Michael Maier, les divagations du Dr Dee et le Dictionnaire mytho-hermétique de Pernety. Il savait tout ce qu’il fallait savoir sur la « mère de l’alchimie », Marie la Juive, une chimiste du IIIe siècle à qui serait due l’invention de la cornue.

Les alchimistes chinois, continua-t-il, enseignaient que l’or était le « corps des dieux ». Les chrétiens, avec leur goût de la simplification, l’assimilèrent au corps du Christ, substance parfaite, inaltérable, et élixir permettant d’échapper aux griffes de la mort. Mais cet or était-il le métal que nous connaissons ? Ou un aurum potabile, un or buvable ?

Les gemmes et les métaux, dit-il, maturaient, à ce que l’on pensait, dans le sein de la terre. Comme un fœtus blême se transformait peu à peu en une créature de chair et de sang, les cristaux rougissaient et devenaient des rubis, l’argent de l’or. Un alchimiste croyait qu’il pouvait accélérer le processus grâce



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