Un pur espion by le Carré John

Auteur:le Carré,John [le Carré,John]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Espionnage
Éditeur: Éditions Du Seuil
Publié: 1986-01-01T23:00:00+00:00

Artelli n’utilise pas de notes et traite le langage avec une rigueur de mathématicien. Malgré son nom, il s’exprime avec un léger accent français qu’il dissimule en imitant le parler traînant du Bronx. « Comme les indices continuaient à se multiplier, dit-il, mon service a été chargé de faire une réévaluation des émissions radio clandestines envoyées depuis le toit de l’ambassade tchèque de Washington ainsi que depuis d’autres bureaux tchèques identifiés répartis sur les États-Unis au cours des années 1981 et 1982, en particulier depuis leur consulat de San Francisco. Nous avons réexaminé les distances de parcours, les variations de fréquences et les zones de réception probables. Nous sommes revenus sur toutes les interceptions faites pendant cette période, quoique nous n’ayons pas pu les décrypter à l’époque de leur transmission. On a établi un calendrier de ces émissions afin de pouvoir les comparer aux allées et venues de suspects éventuels.

— Attendez une seconde, s’il vous plaît. »

La tête du petit Nigel tourne comme une girouette dans un soudain coup de vent. Brammel lui-même daigne montrer quelques signes d’intérêt. Depuis son bout de table solitaire, Jack Brotherhood pointe un index en calibre 45 sur le nombril d’Artelli. Il est symptomatique des nombreux paradoxes qui animent Lederer qu’entre toutes les personnalités présentes ce soit justement Brotherhood qu’il aurait le plus envie de servir si l’occasion s’en présentait, même si – ou peut-être parce que – ses efforts occasionnels pour plaire à ce héros secret n’ont rencontré qu’une opposition inébranlable.

« Écoutez, Artelli, dit Brotherhood. Vous avez déjà fait toute une tartine sur le fait qu’à chaque fois que Pym quittait Washington, soit pour des congés, soit pour se rendre sur ordre dans une autre ville, une série d’émissions codées bien particulières s’interrompait à l’ambassade tchèque. Je suppose que vous allez nous répéter exactement la même chose ?

— Avec quelques embellissements, oui », répond plaisamment Artelli.

L’index de Brotherhood n’a pas bougé d’un iota. Artelli garde ses mains posées sur la table. « On suppose donc que dès que Pym se trouvait hors de portée de leur émetteur-récepteur de Washington, les Tchèques ne prenaient plus la peine de communiquer avec lui ? suggère Brotherhood.

— C’est exact.

— Et que chaque fois qu’il revenait dans la capitale, ils se manifestaient de nouveau. “Salut, contents que tu sois rentré.” C’est bien ça ?

— Oui, monsieur.

— Eh bien, réfléchissez un moment, voulez-vous ? Si vous vouliez monter un coup contre quelqu’un, n’est-ce pas exactement ce que vous feriez ?

— Pas aujourd’hui, assure Artelli d’un ton égal. Et pas en 1981-1982 non plus. Il y a dix ans, peut-être. Mais plus maintenant.

— Pourquoi donc ?

— Je ne serais pas aussi bête. Nous savons tous que c’est une pratique courante du renseignement que de continuer à émettre, que le récepteur écoute ou non à l’autre bout. J’ai le sentiment que… » Il s’interrompt. « Peut-être vaudrait-il mieux laisser ceci à Mr. Lederer, propose-t-il.

— Non, allez-y, dites-le vous-même », ordonne Wexler sans lever la tête.

La sécheresse de Wexler n’est pas inattendue. Chacune

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