La croix et la bannière by William Boyd

La croix et la bannière by William Boyd

Auteur:William Boyd [Boyd, William]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2020536366
Éditeur: Seuil
Publié: 1985-12-31T23:00:00+00:00


En se déshabillant, Henderson sentit la fatigue le submerger. Épuisé, il se glissa entre les draps et posa sa tête sur l’oreiller avec un soupir de soulagement. Au bout de quelques secondes, il éprouva une chaleur inconfortable. Il se retourna. Ses oreilles lui faisaient l’effet de véritables plaques chauffantes. Il s’étendit sur le dos, respira avec régularité et tenta de se mettre en état de relaxation contrôlée. Il était encore éveillé, une heure plus tard, quand il entendit la voiture de Cardew démarrer.

En tout cas, et enfin, se dit-il, il avait vu les tableaux. Il péta bruyamment. Qu’avait-il mangé ? Était-ce les saucisses de maïs, le file-au-trône, ou les feuilles de navet ?

Ou bien était-ce la faute du Bouc d’Henry ? Demain il téléphonerait les bonnes nouvelles à Beeby. Il ne prévoyait aucun problème majeur avec Gage : ils s’entendaient bien et Gage avait l’air très content de vendre. Il réfléchit vaguement aux propos de Beckman sur une vente antérieure par Freeborn. Il était tellement évident que ces tableaux faisaient partie des possessions personnelles de Gage qu’il paraissait inconcevable que son fils pût avoir lui-même aucun droit particulier sur eux.

Mais pourquoi Gage vendait-il ? C’était une question qu’Henderson posait rarement à ses clients – cela ne regardait pas ses employeurs. Souvent, cependant, on lui donnait spontanément une raison ; souci de sécurité, droits de succession, un déménagement – mais rarement, toutefois, la plus commune : la pauvreté. Il soupçonnait fortement que c’était le cas ici. Gage était fauché. Visiblement, il avait été riche autrefois mais tout dans la maison aujourd’hui sentait la pénurie galopante.

Il se demanda comment il communiquerait avec Beeby le lendemain. Puisque Freeborn avait dit qu’il s’absentait, peut-être pourrait-il s’imposer à Shanda sans crainte. Il n’avait pas envie de se rendre à pied à Luxora Plage chaque fois qu’il voulait donner un coup de téléphone. Et quand ce crétin de Duane réparerait-il sa voiture ?

Penser à téléphoner à Beeby lui rappela la sonnerie qu’il avait entendue dans la roulotte de Freeborn. Il était sûr que l’appel avait été pour lui mais de qui ? Beeby ? Mélissa s’inquiétant pour Bryant ? Irène ? La légère stimulation érotique fournie par le petit tableau appartenant à Gage réveilla un douloureux désir d’Irène. Demain, elle aurait reçu sa lettre… Il fallait qu’il réussisse à la faire venir ici pour raccommoder les choses. Il ne pouvait pas laisser une désastreuse soirée ruiner tous ses espoirs. Il lui enverrait un aller-retour en première classe pour Atlanta, il réserverait dans le meilleur hôtel et, dès que cette affaire serait terminée, ils y resteraient trois ou quatre jours en paix… Il passa en revue une demi-douzaine de scénarios de leurs retrouvailles. Le sommeil l’avait abandonné depuis longtemps, à présent. Il aurait dû se lever et lire, rédiger des notes sur les tableaux. Il compila mentalement un rapide catalogue avec des estimations de prix. Les Hollandais étaient des curiosités sans très grande valeur. Mais les Sisley et les Vuillard étaient importants, et le Braque… Il songea soudain au père de Gage et au sien.



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