Tout faux by Veronica Raimo

Tout faux by Veronica Raimo

Auteur:Veronica Raimo [Raimo, Veronica]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature italienne, Roman, Autobiographie, Italie
ISBN: 9791034907465
Google: JeyyEAAAQBAJ
Éditeur: Liana Levi
Publié: 2023-03-21T23:00:00+00:00


Jusqu’à l’âge de dix-neuf ans, je n’ai jamais couché avec personne. Enfin, ça n’est pas tout à fait exact, mais j’y reviendrai plus tard.

Tous mes béguins se nourrissaient d’un platonisme indéfectible. Ce n’est pas un hasard si l’anagramme de mon prénom signifie en italien « Invoquer les amours ». Autrement dit, ne pas les vivre.

Durant l’été précédant mon entrée en sixième, lorsque je vivais harnachée dans du papier Sopalin, j’avais passé une bonne partie des vacances à épier depuis ma chambre un garçon qui lisait sur le balcon de l’hôtel d’en face. Le fait qu’il fût en train de lire était moins quelque chose qui me fascinait, qu’une sorte de signe de ralliement entre toxicos. J’étais une enfant alors que lui devait avoir au minimum dix-huit ans étant donné qu’il possédait une voiture et était allemand (comme me l’avait révélé mon frère qui connaissait par cœur les plaques d’immatriculation de toutes les villes d’Europe, la sienne venait d’Aix-la-Chapelle).

Un soir où j’étais restée jusque tard sur la plage pour contempler le coucher de soleil sur la ligne d’horizon, je le vis littéralement émerger des eaux. Je restai sans voix devant la silhouette qui se détachait lentement de la rougeur du ciel, à mi-chemin entre Vénus et Jésus-Christ. J’avais fixé la mer pendant des heures, et pouvais jurer qu’il n’était jamais entré dans l’eau. Il en avait seulement émergé. Je me dis que j’avais rencontré le Tout-Puissant.

À la rentrée scolaire de septembre, j’en parlai également à mes camarades de classe :

— Qu’est-ce que tu as fait toi cet été ?

— J’ai rencontré le Tout-Puissant.

Je cherchai sur les pages jaunes le numéro du service d’immatriculation de Rome, dans l’espoir de retrouver celle d’Aix-la-Chapelle, mais découvris à mon grand dam que le numéro de plaque du Tout-Puissant ne permettait pas de remonter au Tout-Puissant.

En quatrième, je m’amourachai de László, un sans-abri polonais qui faisait la manche devant le supermarché. J’accompagnais ma mère faire les courses, et lui laissais dans le gobelet en carton qu’il destinait aux pièces de monnaie toute une série de petits mots gorgés d’amour, à la gloire de ses yeux limpides et bons. Un jour, lui aussi me donna un bout de papier. Il proposait un rendez-vous. Je dis à ma mère que j’allais réviser chez l’une de mes camarades et en profitai pour rejoindre László au parc. Il me dit maintes fois « Bonjour » et « Comment ça va ? », ce à quoi je répondis courtoisement, puis nous restâmes un long moment à nous regarder dans les yeux. Il sortit un autre petit mot. Il y était écrit : Je t’aime. Tu as de l’argent ? Avant même d’avoir pu saisir le lien logique entre les deux concepts, je vis surgir ma mère.

— Bonjour, lui dit László, comment ça va ?

Ma mère me traîna à la maison et changea de supermarché.

Cet été-là, je tombai amoureuse de Diego, un garçon âgé d’une dizaine d’années de plus que moi et qui, au terme des vacances, m’expédia avec un GBJR (« Grandis bien je repasserai »).



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