La Malnata by Beatrice Salvioni

La Malnata by Beatrice Salvioni

Auteur:Beatrice Salvioni [Salvioni, Beatrice]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique, Italie, Littérature italienne
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2023-01-11T05:53:52+00:00


13

Maddalena savait aussi assumer sa désobéissance en secret. Elle en était fière. Moi, j’avais peur de répondre à la professeure, de rencontrer le regard des grandes qui me parlaient et j’acceptais tous les reproches sans jamais tenter de me justifier en disant « Je ne l’ai pas fait exprès ».

Elle au contraire, même dans les situations où elle était forcée de s’excuser, disait « s’il vous plaît » ou « excusez-moi » d’un air de défi. De l’extérieur elle semblait irréprochable et humble. Mais à l’intérieur elle cultivait une révolte secrète.

Elle ne se rebellait même pas quand la cheffe de classe – qui en l’absence de la prof inscrivait au tableau les noms des élèves sages et ceux des indisciplinées – la mettait en tête de la colonne des mauvaises conduites, uniquement parce qu’elle était la Malnata et que, « si elle n’avait pas encore fait quelque chose de mal, elle s’apprêtait sûrement à le faire ».

J’aurais voulu me lever, dire que ce n’était pas juste, mais elle me faisait signe de rester tranquille, sinon ça serait encore pire. Elle connaissait la méchanceté des filles à l’école, insidieuse, faite de mensonges chuchotés dans le dos, mais qui tôt ou tard s’épuisait comme un feu d’herbes sèches.

Donc Maddalena supportait tout. Elle supportait les boulettes de papier qu’on lui envoyait en riant pour sa prononciation laborieuse du latin, elle supportait qu’on lui lance des cailloux dans la cour, dont elle se protégeait avec son cartable en cuir. Les pires étaient cinq filles qui se trouvaient dans sa classe l’année précédente. Leur cheffe était Giulia Brambilla, la fille du pharmacien, à qui elle avait donné un coup de poing, lui faisant sauter une dent.

Giulia arrivait le matin dans une voiture noire avec chauffeur, accompagnée de sa gouvernante ; elle avait des boucles claires et bien rondes comme celles des dames dans les magazines, et un sourire d’élève obéissante marqué du trou noir de l’incisive perdue. Elle avait de bonnes notes, des manières courtoises et un ton calme avec les enseignantes, mais avec Maddalena elle se déchaînait – en veillant bien toutefois à ne pas se faire découvrir par les adultes. Elle lui jetait des poignées de terre, elle fourrait dans la poche de son tablier des morceaux mastiqués de son goûter, elle lui tirait les cheveux jusqu’à les lui arracher et elle l’appelait « maudite sorcière ».

Maddalena ne réagissait pas et ça me mettait en rage. Il fallait le dire aux profs, répondre à ses provocations, les lui faire payer. C’était de la Malnata que j’avais appris le goût de la rébellion et je ne comprenais pas pourquoi à présent elle subissait tout en silence. « J’ai promis », disait-elle.

Avec moi au contraire Giulia et ses amies étaient gentilles : elles me disaient que j’avais de beaux cheveux et me demandaient si quelqu’un me faisait la cour. C’était ce que je détestais le plus.

Un jour où nous courions pendant la récréation, Giulia Brambilla fit un croche-pied à Maddalena qui tomba sans même avoir le temps de mettre les mains en avant.



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