The Rain by Virginia Bergin

Auteur:Virginia Bergin [Bergin, Virginia]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
ISBN: 9782747078184
Éditeur: Bayard Jeunesse
Publié: 2017-10-08T04:00:00+00:00

J’ai regagné l’église à pas lourds en dorlotant mon chihuahua. J’ai enfilé le diadème, ramassé toutes les affaires que je pouvais porter, et remonté la rue sur le tapis de verre craquant. Puis j’ai récupéré mon vélo et installé Chérie dans le panier. Après avoir fait un crochet pour charger le reste de mon butin, que je ne pouvais me résoudre à abandonner, j’ai repris le chemin de la maison.

Sur le parking de la bibliothèque, j’ai reconnu le gros homme bagarreur et la femme qui l’avait embrassé et bercé dans ses bras.

J’ai fait une pause au parc Hollywell, où je venais avec maman quand j’étais petite. Il y a un puits enchanté au milieu de ce jardin public. Au Moyen ge, on pensait que son eau avait le pouvoir de guérir les lépreux. Sauf que c’était faux. À l’époque, il n’existait aucun remède contre la lèpre.

Aujourd’hui, même le lépreux le plus désespéré ne voudrait pas boire de l’eau de ce puits.

Maman l’appelait le « puits des fées ». Quand nous sommes venus habiter ici, les premiers temps, on s’y arrêtait souvent pour cueillir une fleur, ou ramasser une jolie feuille, que nous laissions sur la margelle, à l’intention des fées. D’après maman, si notre cadeau leur plaisait, elles nous en laisseraient un, elles aussi. Une fleur ou autre chose : un joli coquillage, un caillou, un ruban, un petit fragment de bijou. Parfois, un poème.

Il m’a fallu très longtemps – si longtemps que c’en est embarrassant – pour comprendre que ce n’étaient pas des fées qui laissaient leurs offrandes. Ce qui m’a mis la puce à l’oreille, c’est qu’on n’en a jamais parlé à Simon. Il détestait ce genre de choses, et pas seulement à cause de leur côté hippie. Pour lui, on ne devait pas raconter de mensonges aux enfants. D’où son aversion pour la petite souris des dents de lait, le père Noël et les anges gardiens... Trop fun, ce type !

Le puits des fées, c’était notre secret, à maman et moi. Et c’est pour ça, je pense, que j’y ai cru aussi longtemps. Parce que c’était une chose rien qu’à nous. J’ai continué à y croire parce que j’en avais besoin – comme les lépreux.

Cette année, au printemps, j’ai vu maman au bord du puits avec Henry. Elle le tenait dans ses bras et lui parlait tout bas – des fées, probablement. J’ai eu un affreux pincement de jalousie et de tristesse, comme si je venais seulement de comprendre que maman n’était plus seulement à moi. Désormais, elle appartenait aussi à Henry... Et j’ai fait la chose la plus courageuse de ma vie ! J’avais envie de foncer à la maison pour aller me jeter sur mon lit en pleurant. Maman prétendait que j’avais toujours détesté les changements. Elle disait ça pour me déculpabiliser quand j’avais mal vécu l’intrusion de Simon dans notre vie, l’apparition d’un petit frère prénommé Dan, déjà au collège, ou quand j’avais flippé en découvrant qu’elle était enceinte.

Mais, cette fois-là, je n’étais pas partie pleurer à la maison.

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