Rafales d'automne by SOSEKI

Rafales d'automne by SOSEKI

Auteur:SOSEKI
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Philippe Picquier
Publié: 2014-07-14T16:00:00+00:00


7

Un papillon blanc sur une fleur blanche

Un petit papillon sur une petite fleur

Vole en tous sens

Vole en tous sens

Un long chagrin défait

La longue chevelure

La noire tristesse

Assombrit encore la noire chevelure

Cheveux épars

Cheveux épars

Vainement soufflent

Les rafales d’automne

A quoi bon vivre ici-bas

Papillon blanc et cheveux noirs

Que le vent emporte

Ici se terminait le chant. L’homme avait écouté la femme, sous le charme de sa voix cristalline, qui évoquait des doigts blancs et effilés remplissant de perles un bol d’argent.

« C’était très bien. En continuant à vous exercer de façon à avoir plus d’amplitude, je suis certain que vous pourriez chanter dans une grande salle. Que diriez-vous d’essayer lors du prochain concert ?

— Non, je ne veux pas. Essayer, dites-vous ?

— Alors, pour de vrai.

— Encore moins, je ne pourrais jamais.

— Dois-je comprendre que vous renoncez à chanter en public ?

— Mais enfin, vous rendez-vous compte, chanter devant je ne sais combien de personnes… J’aurais si honte que ma voix ne sortirait pas !

— Ce poème en vers libres que vous avez chanté tout à l’heure, c’est vraiment beau…

— Oui, j’aime beaucoup.

— Me permettez-vous de prendre une photo de vous en train de chanter ?

— Une photo ?

— Oui. Cela vous déplaît ?

— Non, ce n’est pas que cela me déplaise, mais si vous prenez une photo de moi, je suppose que vous la montrerez ?

— Si cela vous ennuie, je la garderai pour moi seul. »

Sans un mot, la femme détourna les yeux. Sur son col brodé d’un semis de fleurs de prunier brillait une épingle d’un éclat blanc, aussi vif que l’étoile du matin, qui attira le regard de l’homme.

Du côté où elle était tournée était posée une console d’un mètre environ, qui supportait dans sa partie inférieure un pot en faïence chinoise d’un vert profond nuancé de violet où une délicate orchidée se balançait, de l’air d’attendre que le parfum de l’encens vienne l’envelopper, et sur sa partie supérieure, un moulage de la Vénus de Milo qui, dans ce coin de la pièce quelque peu sombre, était comme une apparition dans un rêve. Les yeux de la femme se portèrent machinalement sur la statue.

« Qu’est-ce donc que cette statue ?

— Naturellement, c’est une copie. L’original se trouve à Paris, au musée du Louvre. Bien que ce soit une imitation, elle est magnifique, n’est-ce pas ? La cambrure de la taille, le mouvement des jambes, sont d’un équilibre parfait. – Avec les bras, ce serait vraiment un chef-d’œuvre de perfection, malheureusement, ils ont disparu.

— La vraie statue non plus n’a pas de bras ?

— C’est bien parce que l’original n’a pas de bras que la copie n’en a pas non plus.

— Qui représente-t-elle ?

— Vénus, la déesse de l’amour, répondit l’homme en mettant l’accent sur le mot amour.

— Vénus ! »

A travers les longs cils, les yeux contemplent la statue si ardemment qu’il semblerait qu’elle va fondre sous le regard. Le plâtre froid se réchaufferait presque, un peu plus et l’on pourrait croire que la poitrine se soulève légèrement sous la respiration, tant le regard se concentre.



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