Puissances du temps - Versions de Bergson. by David Lapoujade

Puissances du temps - Versions de Bergson. by David Lapoujade

Auteur:David Lapoujade [Lapoujade, David]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Minuit
Publié: 2014-10-03T22:00:00+00:00


On sait que l’analogie classique se définit comme une proportion, c’est-à-dire une égalité de rapports (A/B = C/D) dont la fonction consiste à établir une ressemblance entre des termes qui diffèrent. Elle se rencontre déjà chez Platon chez qui la structure analogique de la proportion demeure statique. « Nous nous arrangeons en effet pour trouver des ressemblances entre les choses malgré leur diversité, et pour prendre sur elles des vues stables malgré leur instabilité [...]. Tout cela est de fabrication humaine16 ». Elle ne devient dynamique qu’avec l’introduction d’une Idée vers laquelle les termes s’orientent spirituellement, à proportion de leur ressemblance avec elle, « courant en quelque sorte après [eux]-mêmes, pour coïncider avec l’immutabilité de l’Idée17 ». Autrement dit, l’introduction d’une Idée convertit la structure statique en série dynamique, quitte à perdre alors son caractère analogique initial18. Du même coup, on passe de la science de la mesure à la science de l’harmonie, transformant l’analogie en une sorte de sympathie ou d’amitié, une philia19. Chez Platon, le passage de l’analogie statique à la série dynamique marque ainsi le passage de la science géométrique à la philosophie proprement dite, en tant que dialectique des Idées.

En quoi l’analogie bergsonienne se distingue-t-elle de l’analogie classique ? Elle est rigoureusement inverse puisqu’elle ne se fonde plus sur des termes fixes, mais sur des mouvements. Chez Bergson, il n’y a d’analogie qu’entre mouvements ou tendances. Elle n’est donc plus structurée par une mesure puisque « le mouvement n’est pas mesurable et la science a pour fonction de mesurer20 ». On ne s’élève plus ainsi de la science vers la philosophie. Au contraire, seul le métaphysicien peut, dès le début et sans l’aide d’aucune science, recourir au raisonnement analogique puisque lui seul accède au mouvement en tant que tel. Peut-être le calcul différentiel à ses débuts a-t-il tenté de mesurer ces dynamismes, mais nous avons vu qu’il était condamné, par ce qui subsistait en lui de géométrie, à penser en termes symboliques21. Si l’analogie bergsonienne est une analogie entre tendances, cela veut dire qu’elle structure, non pas le semblable, mais le commun22. Il ne s’agit plus d’une ressemblance extérieure entre relations mais d’une communication intérieure entre tendances ou mouvements23.

Comment un tel renversement est-il possible ? C’est que, désormais, l’Idée n’est plus extérieure aux termes qu’elle série. Non seulement elle est passée en eux, mais elle en constitue l’intériorité sous la forme d’une « intention ». Chaque tendance est l’actualisation de son Idée qui est aussi bien le « souvenir pur » dont elle procède24. C’est en ce sens que la tendance est sujet : en tant qu’elle possède en elle-même son principe de développement au lieu d’en être séparée. C’est pourquoi d’ailleurs le développement ultime de la tendance chez Bergson consiste à remonter vers la « source originelle » dont elle provient. Elle remonte vers son principe comme vers ce qui lui est le plus intérieur et le plus spirituel, vers l’émotion fondamentale dont elle procède25. On remonte dans le passé, mais on n’y « recule » jamais puisque cela permet, au contraire, une plus grande ouverture de l’avenir.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.