Ontologie et Temporalité (French Edition) by Jean Greisch

Ontologie et Temporalité (French Edition) by Jean Greisch

Auteur:Jean Greisch [Greisch, Jean]
La langue: fra
Format: azw3
Éditeur: Presses universitaires de France (réédition numérique FeniXX)
Publié: 1993-12-31T16:00:00+00:00


§ 48. EXCÉDENT, FIN ET TOTALITÉ

Encore faut-il déterminer ce sens existential. Les premières distinctions lexicales ont pour effet de rendre plurivoques les notions de fin, d’achèvement, de totalité, etc. Cette polysémie ne doit pas être envisagée uniquement d’un point de vue linguistique ; c’est la richesse de sens abritée dans le phénomène lui-même qui doit être pensée du point de vue de ses conséquences ontologiques. D’une part, il faut pouvoir montrer en quoi l’idée d’achèvement, sous-jacente à la notion du « périr », est ontologiquement inapplicable au Dasein ; d’autre part, il faut demander au Dasein lui-même de nous fournir des notions plus adéquates.

Heidegger passe aussitôt aux « travaux pratiques », en prenant pour fil conducteur la notion d’excédent ou de « sursis » (Ausstand), déjà rencontrée, en se demandant en quel sens elle peut s’appliquer au Dasein. Au départ, il y a le constat irréfutable déjà évoqué à plusieurs reprises : le Dasein se caractérise par son perpétuel état d’inachèvement (plus exactement de « non-totalité » = Unganzheit) qui ne prend fin qu’avec la mort (SZ 242). Une désignation plus « positive » de ce phénomène est fournie par la notion d’excédent ou de sursis. Or, cette expression prend une signification différente selon le statut ontologique des étants auxquels elle s’applique. S’il est vrai que, vivants, nous sommes tous des morts en sursis, le rapport à la mort n’est pas le même selon qu’il s’agit du Dasein et des autres étants. Au niveau des étants à-portée-de-la-main, on parlera d’excédent ou de sursis pour désigner la partie manquante d’un ensemble. Ainsi par exemple, la dette non encore complètement acquittée pourra être dite « en sursis ». Or, le Dasein ne forme pas un « ensemble » en ce sens. La « mort » n’est donc pas la « pièce manquante » d’un puzzle.

D’autres analogies, à première vue plus pertinentes, sont tout aussi trompeuses. Ainsi par exemple les images d’achèvement, empruntées à la sphère végétale : la maturation du fruit, arrivée à son terme, etc. Ce sont souvent ces images consolatrices qui sont sollicitées pour émousser le scandale de la mort. Heidegger ne récuse pas la légitimité de telles comparaisons, mais il insiste pour qu’on ne méconnaisse pas les vraies différences. Rien ne garantit en effet « que la maturité comme "fin" et la mort comme "fin" coïncident jusque dans leur structure ontologique de "fin". Interpréter systématiquement toute fin comme un "accomplissement" (Vollendung), c’est oublier que même un Dasein "inaccompli" finit » (SZ 244), comme le rappellent les statistiques des jeunes qui décèdent annuellement dans des accidents de la route. Et indépendamment même de ces décès, le fait est « que, le plus souvent, il finit dans l’inaccomplissement, à moins qu’il ne soit défait et usé » (SZ 244). Dans le spectacle affligeant qu’offre la maladie d’Alzheimer on cherchera en vain les signes d’un quelconque accomplissement339. Peu de morts humaines présentent le visage glorieux et pacifique de l’accomplissement. Cela rend d’autant plus urgente la tâche éthique de l’accompagnement des mourants pour



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