Nanuktalva by Gilles Dubois

Auteur:Gilles Dubois
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 978-2-89597-573-1
Éditeur: ÉDitions David
Publié: 2016-07-26T00:00:00+00:00

CHAPITRE 10

Helena Grangorini

L’été était d’une chaleur infernale.

Une automobile, grise de la poussière des chemins de terre qu’elle avait dû parcourir pour se rendre chez Nanuktalva, s’arrêta devant la cabane. Les demi-loups l’entourèrent aussitôt en grognant. Qanik, qui n’aimait pas les étrangers, se dissimula peureusement derrière l’atelier. Une femme grande, sèche, au visage revêche, sobrement vêtue de noir, sortit du véhicule à l’immatriculation gouvernementale. « Cette fois, c’est du sérieux », songea Nanuktalva avec désespoir. Un homme de haute taille, large d’épaules, tout aussi lugubre d’aspect que la femme, s’éjecta souplement de la voiture, lui emboîta le pas. Ils se présentèrent succinctement.

— Gwenda Stramot, inspectrice des services à l’enfance. Aide à la famille et aux jeunes en détresse, pour plus de précision.

— Adelar Mongret, avocat, représentant madame Helena Grangorini, la plaignante.

Le personnage hautain insista sur le dernier mot, afin de souligner l’urgence, ainsi que l’importance de son intervention. Il tenait ostensiblement devant lui un document qui avait l’air officiel. La femme le lui prit des mains. Nanuktalva ressentit un choc au creux de l’estomac, similaire à celui d’une pointe acérée. Il comprit aussitôt que ces deux étrangers étaient porteurs de nouvelles pires encore que celles qu’il avait pu imaginer. Le malheur allait fondre sur son coin de forêt.

N’ayant pas de cours à l’université ce jour-là, Gaïa se trouvait dans la cuisine, à préparer le déjeuner. Le bruit l’attira vers la porte ouverte devant laquelle se tenaient les visiteurs.

— Où voyez-vous des jeunes en détresse dans cette maison ?

L’inspectrice l’interpella sèchement.

— Vous devez être Gaïa Beaubien ?

— Une clairvoyante ! persifla la jeune fille. Vous tirez aussi les cartes ?

Sans relever l’insolence, la femme poursuivit, s’adressant cette fois à Nanuktalva.

— Voilà donc le fameux Inuit, bien entendu. Trois plaintes ont été déposées contre vous, deux à Timmins et une dans votre coin, pour mauvais traitements envers une adolescente. On parle d’abus de toutes sortes, ainsi que de certaines saletés qui se seraient… enfin, vous savez exactement de quoi je parle. Nous venons soustraire l’enfant… disons, la jeune fille, à ce foyer malsain.

Avant que Nanuktalva ait put prononcer la moindre parole, l’avocat empoigna le bras de Gaïa. Réagissant instinctivement grâce à son entraînement intensif, elle lui bloqua le poignet d’un geste vif et tira sur son bras, en terminant sur un mouvement de luxation d’aïkido. Sa main gauche appuya sur l’arrière du coude pendant que sa droite forçait l’articulation de sa victime. L’avocat se retrouva agenouillé. Malgré elle, Gaïa poussa le poignet dans la suite naturelle du mouvement. Un craquement se fit entendre. Il était déboîté. L’avocat poussa un hurlement.

C’est alors que Nanuktalva aperçut la voiture de police garée derrière celle de la femme des services sociaux. Déjà deux policiers entouraient Gaïa, qui prit une posture défensive.

— Suffit ! cria le vieux à la femme en noir, me poussez pas à bout. En ce qui a trait aux agressions, on dirait qu’elles nous arrivent plutôt de chez vous.

Puis, s’adressant aux policiers :

— Touchez à Gaïa et je vous casse le cou !

— Monsieur

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