L'homme vertical by Longo Davide

Auteur:Longo, Davide [Longo, Davide]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Hachette France
Publié: 2013-01-15T23:00:00+00:00

« Mais pourquoi ?

– Je crois que cela vaut mieux.

– Tu l’as déjà dit. Pourquoi ?

– Il faudra de toute façon nous en aller dans quelques jours. Il vaut mieux garder de l’argent. Nous pourrions en avoir besoin.

– Mais nous n’avons nulle part où aller.

– Si, chez nous.

– Ce n’est pas chez nous. Et puis, combien de jours faudra-t-il marcher pour y retourner ? Nous n’avons rien à manger.

– J’ai parlé avec les Barbero, ils sont disposés à nous vendre une partie de leurs vivres.

– Quand leur as-tu parlé ?

– Après le petit-déjeuner.

– Alors tu avais pris ta décision sans me le dire. »

Leonardo regarda le socle du lavabo sur lequel Lucia s’appuyait. Les sanitaires lui avaient semblé le seul endroit garantissant l’intimité nécessaire à cette discussion. Bauschan les regardait en passant la tête par la porte. Il savait qu’il ne pouvait pas entrer.

« Je te prie de me faire confiance quand je dis qu’il vaut mieux partir tout de suite.

– Non, si tu ne m’expliques pas pourquoi tu as changé d’avis. »

Lucia portait un pull-over bleu clair qui moulait ses épaules et sa poitrine menue. Elle aurait pu jouer dans un film français. Leonardo la regarda longuement. Il craignait de ne pas trouver les mots pour lui raconter ce qu’il avait vu cette nuit-là, mais il y parvint de façon tronquée et elliptique. Lucia écouta en silence. Au fil du récit, sa bouche prit un pli amer, mais ses yeux ne lâchèrent pas ceux de son père.

« Tu ne permettras jamais qu’il m’arrive une chose pareille, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle à la fin.

Ils rassemblèrent leurs affaires et bouclèrent en hâte la valise. Ils dirent à Alberto qu’ils n’avaient plus d’argent et ne pouvaient pas payer une nuit supplémentaire. Assis sur son lit, le garçon suivit les préparatifs sans bouger. Puis Leonardo se fit donner en cachette des billets par Lucia et alla retrouver les Barbero dehors.

Quand il leur annonça qu’ils partaient, la femme se déclara désolée, car elle sentait bien qu’elle s’était attachée aux enfants. Leonardo prétexta leur désir de rentrer à la maison dans l’espoir d’y trouver leur mère et M. Barbero proposa de leur vendre des vivres pour le voyage, en spécifiant que ce serait au prix où ils les avaient payées. Leonardo accepta son offre et le suivit à l’intérieur du hangar, pendant que Mme Barbero allait dire au revoir aux enfants.

« J’ai été témoin d’un viol, cette nuit », dit-il, pendant que M. Barbero tirait de sous son lit la valise où sa femme et lui stockaient conserves et biscuits.

L’homme le regarda avec un demi-sourire incrédule.

« Ce n’est pas possible, répondit-il, mais quelque chose de faux déformait sa bouche.

– Ça arrive souvent ? » insista Leonardo.

L’homme baissa les yeux sur ses provisions, prit deux boîtes de thon et un sachet de pois chiches qu’il posa par terre avec un paquet de gressins.

« C’est tout ce que nous pouvons vous céder. Le reste nous servira pour notre voyage vers la France. »

Leonardo le dévisagea. Le

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