Lucy by Comencini Cristina

Lucy by Comencini Cristina

Auteur:Comencini, Cristina [Comencini, Cristina]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset
Publié: 2014-02-17T04:00:00+00:00


Sara et Milo

Je n’y vois rien, comment ai-je atterri dans ce lit ? Je débarque dans une autre histoire sans m’en rendre compte. J’ignore les événements antérieurs. Mais tu es toujours là et tu m’écoutes. C’est le lien entre avant et maintenant.

Je tourne la tête d’un côté puis de l’autre sans distinguer grand-chose. Il fait nuit. Au mur, une applique bleu marine. Je suis au fond d’un aquarium, dans un lit bleu clair. Des pages éparses remontent doucement à la surface.

Je nageais dans la piscine, Milo dans le couloir voisin. Avant d’entrer, on avait partagé un café en bavardant.

« Comment votre chat a-t-il réagi chez le médecin comportementaliste ? »

Il a ri.

« Vous vous en êtes souvenue ?

— Bien sûr. J’ai même cité cet exemple à mon fils au téléphone, il était furieux. »

Il a ri plus fort, comme un enfant qui a honte.

« Je veux bien croire qu’il n’a pas apprécié.

— Il venait de m’expliquer qu’il avait consulté le même genre de thérapeute, mais je reconnais que le rapprochement était malencontreux. Alors comment le vétérinaire comportementaliste s’y est-il pris avec votre chatte ?

— Il l’a tenue dans ses bras toute la séance, bien calée contre sa poitrine. Romarine essayait de se sauver, elle était terrorisée, mais il ne l’a pas lâchée. Il ne la caressait pas, il la serrait contre lui, c’est tout. Puis il me l’a rendue en me disant : “Vous verrez que la prochaine fois elle ronronnera.”

— Romarine, c’est joli… C’est vous qui avez choisi ?

— Un brin de romarin était tombé par terre dans la cuisine, au début où je l’avais recueillie. Elle l’a emporté sur son coussin comme un ours en peluche, elle aimait peut-être l’odeur. »

Allongée dans le lit, au fond de l’aquarium, j’essaie de récapituler mes gestes et les siens avant d’entrer dans l’eau. Milo plonge, moi je descends par l’échelle. Je trouve beau son corps maigre de jeune homme, qui n’a de poils qu’aux jambes. C’est ce que j’ai vu de lui en premier, ses jambes. Avant de s’élancer, il regarde mon corps. Je me laisse détailler sans fausse pudeur pendant que je mets mon bonnet et mes lunettes. Je te l’ai dit, je ne fais pas mon âge. On se croise sous l’eau et une fois, parmi les bulles d’air qui nous sortaient de la bouche, on a échangé un sourire. Et une autre fois, oui, maintenant je me souviens, on s’est arrêtés pour bavarder.

Je lui demande :

« Vous en faites combien ?

— Cinquante. Et vous ?

— Trente. Je ne peux pas plus, il faut que je travaille après.

— Sur quoi travaillez-vous ?

— Sur une nouvelle : la rencontre de deux hominidés voici quatre millions d’années.

— Génial. »

Il lèche ses lèvres mouillées, nous nous regardons à travers nos lunettes embuées. Je pense à Lucy enceinte qui attend le retour de Hadza. À nous deux, plongés dans la piscine avec nos lunettes embuées et nos bonnets noirs. Rencontre improbable, elle aussi.

Et après ? Quelqu’un a laissé tomber le rideau sur ce qui s’est passé quand nous avons repris nos longueurs. Sur la table de nuit bleue, à côté du lit bleu,



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