L'Affaire de la pucelle de la rue Ormea by Amara Lakhous

L'Affaire de la pucelle de la rue Ormea by Amara Lakhous

Auteur:Amara Lakhous
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Actes Sud
Publié: 2017-11-28T16:00:00+00:00


AUJOURD’HUI ICI, DEMAIN LÀ-BAS

Je me réveille en sursaut, quelqu’un est en train de sonner avec insistance à ma porte. Taina dort encore. Ma première pensée, au moment d’ouvrir la porte, est qu’il pourrait s’agir de madame ma mère. Peut-être a-t-elle perdu ou oublié la clé de la maison quelque part. Ce n’est jamais arrivé. Mais un jour ou l’autre, au moins une fois dans sa vie, cela pourrait arriver. Après tout, maman, alias “Oui, Madame”, est un être humain. Mais cette pensée est immédiatement remisée dès que j’ouvre la porte. Heureusement, le suspense est de courte durée.

— Peux-tu me dire ce que c’est que ça ?

— C’est un journal.

— Non, pour moi, c’est une merde.

— D’accord. C’est une merde si ça te fait plaisir. Est-ce qu’on se dispute ici ou à l’intérieur ?

Après quelques instants d’hésitation, Luciano entre. Nous nous asseyons dans le salon. Il jette le journal sur le canapé, en s’ébrouant littéralement. J’essaie de garder mon calme. Ce ne sera pas simple, ce ne sera pas un pari facile pour moi de ne pas m’énerver, ce sera même une redoutable épreuve. Eh merde, je viens à peine de me réveiller. Je ne me suis même pas lavé le visage, je n’ai pas bu de café ni fumé ma première cigarette. Bref, je suis un danger public. Je pourrais faire valoir mon droit de garder le silence ou invoquer des circonstances atténuantes, tels que la folie ou le caractère non intentionnel (au cas où je commettrais un homicide).

Mais la vérité est que je n’ai pas envie de me disputer. Pourquoi ? Je suis un type calme et je ne veux pas réveiller Taina. Je ne peux pas non plus me permettre le luxe d’oublier ma mère et ma tante Quiz qui sont à deux pas. Elles peuvent débouler d’un instant à l’autre. Mon appartement est mitoyen de celui de tante Quiz. On entend tout. Je ferme la porte du salon et j’essaie de ne pas répondre aux provocations de Luciano. Je prends le journal et jette un coup d’œil à la première page. Aucun signe d’Enzo Laganà. Où est donc passé mon récit sur la pucelle de la rue Ormea ?

— Qu’est-ce que tu cherches, bordel ? crie Luciano.

— La confession.

— Elle n’y est pas.

— Quelle bande de cons !

— Tu t’es foutu de moi, continue-t-il à crier.

— Je l’ai remise hier après t’avoir téléphoné, je lui confirme.

— Alors ils se sont bien foutus de toi.

— Maintenant, tu vas te calmer, Luciano.

Je me rends compte que la situation pourrait dégénérer d’un moment à l’autre. Je suis un type calme, mais quand je m’énerve, je peux perdre les pédales. Et alors, gare à vous. Il me faut un effort immense pour ne pas manquer à mon pari de ne pas m’énerver. Je me concentre sur ce foutu journal, je le parcours avec attention et je ne trouve rien. Aucune trace de la confession de la pucelle. Ma menace de démission n’a eu aucun effet. Dès lors, deux hypothèses se présentent



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