La Storia II by Elsa Morante

La Storia II by Elsa Morante

Auteur:Elsa Morante [Morante, Elsa]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 1977-01-04T23:00:00+00:00


5

Leurs récentes incursions dans la zone du Portuense les avaient retenus loin de là pendant trois jours. Et dès qu’ils y revinrent après cette absence, ils y trouvèrent une nouveauté mystérieuse. À cette époque (la fin mai) l’endroit n’était encore fréquenté que par eux deux. Dans les prairies les plus proches de la ville, on commençait déjà à voir le long de la rive, surtout les jours fériés, des petits Romains venus se baigner. Mais cette zone boisée derrière les buttes et les cannaies restait aussi lointaine et inexplorée qu’une forêt vierge. Un jour, venant de la mer, une mouette, qu’Useppe prit pour une très grande hirondelle blanche, la survola. Et aussi, souvent, après ce fameux moineau ou étourneau du premier jour, arrivèrent jusque sous la tente d’autres étourneaux ou moineaux du même genre, qui, à la vérité, ne faisaient entendre que l’habituel et banal tit tit et qui étaient généralement mis en fuite par les démonstrations de joie de Bella. Leur ignorance de la chanson Rien qu’un jeu était indubitable ; mais, à ce qu’il semblait, déjà prévue par Useppe. Il existait, en tout cas, une preuve certaine que cette très belle chanson était maintenant connue dans leur cercle ; et donc, selon lui, on pouvait sûrement présumer que, tôt ou tard, l’un d’entre eux reviendrait la chanter de nouveau.

Par ailleurs, quant à l’éphémère et joyeuse hallucination qu’Useppe avait eue là-bas le premier jour, il l’avait, on l’a vu, considérée comme si naturelle que, une fois qu’elle fut passée, il l’oublia à peu près complètement. Il lui en restait seulement, en suspens dans ce minuscule territoire, une réminiscence magique, qui était comme un arc-en-ciel où les couleurs et les sons ne faisaient qu’un et que l’on devinait très grand par-delà les branches au milieu desquelles il faisait descendre un poudroiement ou un murmure lumineux. Même en ville, il arrivait parfois qu’autour d’Useppe, pendant la durée d’un instant tous les bruits et toutes les formes se combinent, montant dans un éclair, dans un vol extraordinaire, vers l’ultime hurlement du silence. Quand on le voyait se couvrir le visage avec ses deux mains, souriant comme un petit aveugle tendant l’oreille à un son d’une grande beauté, cela signifiait que son petit organisme tout entier écoutait ce chœur montant, que dans le langage de la musique (totalement ignoré de lui) on appellerait une fugue. C’était de nouveau cette même réminiscence qui lui revenait sous une forme différente. Peut-être, sous une autre forme imperceptible, l’accompagnait-elle partout : le ramenant toujours à la tente d’arbres comme à une maison de bonheur.

Cette maison, pourtant, restait trop solitaire pour lui. Son instinct natif et inextinguible était de partager son plaisir avec autrui et jusque-là seule Bella partageait avec lui la tente d’arbres. Il avait tenté d’y amener sa mère, une fois au moins, s’évertuant à lui décrire le site non seulement avec enthousiasme mais aussi avec une précision géographique : mais Ida avait trop de mal à se déplacer sur ses courtes jambes à demi rompues,



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