Les tricoteuses de bord de mer by McNeil

Auteur:McNeil
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: City Edition
Publié: 2012-06-05T16:00:00+00:00

Chapitre six

Des bonbons ou du bâton

Comme tous les matins depuis que la température est descendue à des niveaux polaires, il fait un froid de chien. Puisque le radiateur de ma chambre fonctionne quand il veut (c’est-à-dire pas souvent), je dors avec deux couettes et un bonnet de laine. Or, ce matin, à mon réveil, j’étais bouillante et essoufflée comme si je m’étais retrouvée propulsée sans prévenir en pleine ménopause jusqu’à ce que je me rende compte que j’avais laissé la couverture électrique tourner toute la nuit. Ce n’est pas la meilleure manière de démarrer le marathon quotidien pour l’école. Au passage, j’oublie le sac de sport de Jack, ce qui fait que nous devons retourner à la maison le chercher et que nous arrivons bons derniers.

Je suis derrière le comptoir de la boutique, entourée de pompons et de feuilles en tricot destinées à la vitrine, à essayer de rédiger la liste des Choses à faire absolument aujourd’hui sans sombrer dans l’hyperventilation. Sur le front des pompons, on peut dire qu’Elsie a fait des merveilles. À présent, elle tricote un sapin de Noël d’après un modèle qu’elle a vu dans un magazine, avec plein de petits manchons de toutes les nuances de vert, et elle ne cesse de marmonner des choses à propos de guirlandes électriques. Je crois comprendre qu’elle se plaint parce que ce sera Noël avant d’avoir eu le temps de dire ouf et qu’elle aime anticiper. Moi aussi, j’aimerais anticiper (si j’en avais la possibilité). N’importe quoi, mais laissez-moi anticiper au lieu de me sentir au bord du chaos total tout le temps.

Les deux dernières semaines ont été démentes. Grace a terminé sa couverture de bébé, et j’ai tricoté la bordure pour elle et rentré tous les fils. À présent, elle tricote un petit gilet tout en assistant (à Paris) à des réunions au sujet d’un film sur Simone de Beauvoir. Ellen m’envoie des textos tous les jours parce que le pull de Harry ne va pas comme elle veut. En plus, elle a cassé l’une de ses aiguilles à tricoter en bambou et s’est disputée avec le vendeur de chez John Lewis parce qu’ils n’avaient plus le calibre dont elle avait besoin. J’ai dû lui en envoyer une paire à l’adresse du boulot, ce qui m’a obligée à faire la queue à la poste le jour où les personnes âgées touchent leur retraite et viennent échanger les dernières nouvelles, ce qui dure évidemment des siècles.

Le journal local a publié un article à propos de la boutique avec une photo du châle que Grace avait commandé. Hélas, le châle avait été posé sur les épaules d’Elsie par-dessus son cardigan multicolore. La pauvre était tellement enthousiaste à l’idée d’être sur la photo que je n’ai rien pu faire.

Mais, malgré ce cliché mortifiant, des tas de nouveaux clients se sont présentés, certains venus d’aussi loin que Maidstone, ce qui est très positif. Nous avons donc généralement eu fort à faire, même si, certains jours, nous n’avons eu que trois clientes,

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