Les six compagnons de la Croix-Rousse by Paul-Jacques Bonzon

Les six compagnons de la Croix-Rousse by Paul-Jacques Bonzon

Auteur:Paul-Jacques Bonzon [Bonzon, Paul-Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-10-18T07:21:28.480000+00:00


CHAPITRE XI

LE CARROSSE

Je revins presque chaque soir voir Mady. Les deux heures que je passais près de sa chaise longue m’aidaient à oublier mon chagrin. Grâce à elle, l’école me parut moins laide et même, un soir, en passant avec Corget sur le « Toit des Canuts », je trouvai presque belle la vue sur la ville. Cependant, quelque chose me tracassait. Je sortais moins souvent avec les « Gros-Caillou ». Ils pensaient peut-être que je les dédaignais à mon tour, malgré tout ce qu’ils avaient fait pour m’aider à retrouver Kafi. Comment leur expliquer ?

Un matin, je décidai de parler à Corget. C’était bien difficile à dire. Mon camarade me regarda d’un air bizarre et sourit, d’un petit sourire qui en disait long.

« Une fille ? Moi, mon vieux, je n’aime pas les filles, je préfère les chiens, ils ne bavardent pas et ne nous agacent pas tout le temps.

— Celle-là est gentille.

— Ça m’étonne.

— Et puis elle est malade, toujours allongée.

— Je ne te dis pas… mais c’est une fille.

— Tu devrais venir la voir, un soir, avec moi… ça lui ferait plaisir, elle s’ennuie, toujours toute seule.

— Et ses camarades à elle ? … elles ne viennent pas ?

— Pas souvent, il y a trop longtemps qu’elle est couchée. Dis, tu viendras ? »

Il ne répondit pas mais, le surlendemain, quand je lui demandai de m’accompagner, il me suivit. Nous restâmes un long moment, assis près de la chaise longue de la petite malade. Mady était heureuse que je lui amène un nouveau camarade, qui n’était pas réellement nouveau pour elle puisque je lui en avais souvent parlé. Tout de suite, il fut question de Kafi. Pour Corget, Mady raconta encore son rêve de l’autre nuit.

« À présent, fit-elle, je vois très bien l’endroit où je l’avais rencontré. Ce ne peut être que du côté de la colline de Fourvière, dans ces petites rues qui montent, comme à la Croix-Rousse. Vous ne croyez peut-être pas aux rêves ? Vous verrez. C’est par là que nous le retrouverons. »

Elle disait « nous » comme si vraiment elle pouvait nous aider, elle qui ne sortait jamais, et elle souriait, pleine de confiance. Pourtant, je lui avais tout dit de Kafi, elle savait bien qu’il ne nous restait guère de chances.

Quand nous quittâmes la rue des Hautes-Buttes, Corget et moi, nous marchâmes un long moment en silence ; puis mon camarade s’arrêta.

« Tu as raison, Tidou, elle n’est pas comme les autres, et puis quand elle parle de Kafi on dirait qu’elle l’aime autant que nous, autant que toi. Crois-tu qu’elle serait contente si je revenais ?

— Certainement, et les autres « Gros-Caillou » aussi. »

Nous continuâmes notre chemin à travers les rues étroites. Je voyais que Corget réfléchissait. Quand quelque chose le préoccupait, il passait toujours deux doigts dans le col de sa chemise comme si elle le gênait. Il s’arrêta de nouveau.

« Ce n’est pas gai, de rester toute la journée comme ça, sans bouger, sur une chaise longue.



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