Les Morsures du passé by Gardner Lisa

Les Morsures du passé by Gardner Lisa

Auteur:Gardner, Lisa [Gardner, Lisa]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2016-06-06T00:00:00+00:00


21

Danielle

« QUE FAITES-VOUS LÀ ?

– Je travaille. Ça ne se voit pas ? ai-je répondu en poussant mon sac dans le casier.

– Vous n’êtes pas sur le planning, a insisté Karen, ma supérieure.

– Changement de dernière minute, ai-je répondu sur un ton égal. Genn voulait aller à un barbecue avec ses enfants, alors j’ai accepté de la remplacer. »

Karen a replacé ses lunettes à monture d’acier. Elle a croisé les bras sur la poitrine pour me faire savoir que j’allais devoir me battre.

« Vous vous êtes regardée dans le miroir, ces derniers temps ? Parce que, dans ce cas, je pense que nous savons toutes les deux pourquoi vous ne travaillerez pas ce soir. »

J’ai soutenu son regard, menton relevé, torse bombé. Moi aussi, je pouvais être têtue. Surtout ce soir.

Je m’étais endormie sur le canapé après ma séance chez le docteur Frank. J’avais de nouveau rêvé de mon père, sauf que, cette fois-ci, il ne se tenait pas sur le seuil. Cette fois-ci, il était dans ma chambre. Le docteur Frank avait raison : il y avait des choses que je n’avais jamais vraiment affrontées, des faits que je n’avais jamais révélés. Je les tenais à distance dans un coin de ma tête, bien tassés dans un petit placard dont je gardais la porte hermétiquement fermée. Sauf qu’une fois par an, ils parvenaient à s’échapper. Ils se glissaient sous la porte, se coulaient par le trou de la serrure et ensuite arpentaient avec aplomb les corridors obscurs de ma mémoire.

« Ma petite Danny. Viens faire la fête… »

En tant qu’infirmière, je savais que l’inconscient possède une volonté propre. Mais en tant que personne, je me demandais si c’était ce qu’on ressentait quand on perdait la raison. Mon cœur s’emballait même quand je restais assise sans bouger. Mes mains luttaient contre un tremblement même dans la chaleur du mois d’août.

Je ne pouvais pas rentrer chez moi ce soir. Je ne pouvais pas et ce service était à peu près tout ce qui me restait comme famille.

« Ça va aller », ai-je essayé, mais Karen ne marchait pas :

« Pour commencer, a-t-elle sèchement expliqué, vous avez été impliquée non pas dans un, mais dans deux incidents graves avec la même patiente. »

Je l’ai regardée sans comprendre. Il était bien possible que je sois devenue folle parce que je ne voyais pas de quoi elle voulait parler.

« Lucy, a-t-elle précisé en voyant ma tête. Elle s’est enfuie, hier. En quinze ans, je n’avais jamais vu d’enfant disparaître. L’hôpital exige qu’il y ait une enquête officielle, ce qui est bien légitime. Il est inadmissible qu’une enfant puisse franchir deux portes de sécurité sans qu’un seul infirmier ou éducateur s’en aperçoive. Dieu merci, nous avons encore eu de la chance qu’il ne soit rien arrivé de plus grave.

– Mais je l’ai retrouvée ! ai-je protesté. C’est moi qui ai deviné où elle était allée et qui l’ai ramenée.

– C’était justement vous qui étiez censée la surveiller. »

J’ai baissé la tête, dûment contrite.

« Et ensuite, j’ai cru comprendre qu’hier soir Lucy et vous vous étiez livrées à un petit combat de boxe.



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