Les mal aimés de Fercombe by Charles Theresa

Les mal aimés de Fercombe by Charles Theresa

Auteur:Charles, Theresa [Charles, Theresa]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: J'ai lu
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


9

Car elle avait une langue acérée.

W. SHAKESPEARE

J’étais en train de me noyer. L’eau grondait à mes oreilles. J’étais submergée… assourdie et aveuglée… Je luttais désespérément contre le courant qui m’entraînait, m’aspirait dans les profondeurs glacées. J’essayais de faire surface, mais en vain.

Quelque chose de doux, de soyeux se pressa contre mon menton. Je battis des paupières, puis m’assis brusquement. Le bruit de l’eau dans mes oreilles résonnait encore, mais j’étais dans mon lit et Rusty posait une patte sur moi, inquiet.

Je regardai autour de moi, étourdie. Il faisait jour… clarté grisâtre, brumeuse. L’eau frappait les vitres en cascade. Le vent semblait fort et les fenêtres grinçaient d’une façon hallucinante.

Je me levai et cherchai mes pantoufles. Rusty sur mes talons, j’allai jusqu’à une fenêtre. Je regardai avec incrédulité le lac gris balayé par le vent et parsemé d’écume au-delà du rideau de pluie. Les arbres et les arbustes se tordaient sous les bourrasques. Comment la journée ensoleillée, printanière de la veille avait pu si vite faire place à une telle violence ? Seuls les feuillages me persuadaient que ce n’était pas l’hiver. Le ciel était couleur de plomb et le paysage tout entier exprimait la désolation. Même les cygnes avaient disparu. Des pétales de rhododendron jonchaient l’allée comme balayés par un géant, dans un accès de fureur.

Le vent et la pluie faisaient tant de vacarme que je n’avais pas entendu le bruit de sabots. Le grand cheval noir paraissait nager dans cet univers liquide, avançant, tête baissée. Le cavalier, en suroît et ciré noir, leva les yeux vers ma fenêtre quand il passa. Je lui fis signe et il agita une main en un bref salut. Mon cœur se mit à battre plus vite. Maurice était superbe à cheval… mais que diable faisait-il dans cette tempête ? Il se dirigeait vers le cours d’eau au pied des cottages. Cela voulait-il dire qu’il emprunterait le pont de bois glissant où Mary avait eu son accident ?

Et si le cheval noir tombait et l’entraînait avec lui ? Au moins n’y aurait-il pas de chat à la poursuite d’un oiseau, sous ce déluge, me dis-je afin de me rassurer. Cette inquiétude était un sentiment nouveau pour moi, curieux mais pas désagréable. J’étais trop jeune pour me soucier pour père. Il était celui qui protégeait, sur lequel nous nous appuyions et qui résolvait nos problèmes. Après sa mort, j’avais veillé sur Ruth, puis sur Sylvie. Ces relations de femme à homme étaient donc une expérience nouvelle. M’y adapterais-je, prendrais-je l’habitude de m’appuyer sur Maurice tout en me préoccupant à son sujet ?

La porte s’ouvrit sans que l’on ait auparavant frappé, laissant s’engouffrer une bouffée d’air froid. Je me retournai en frissonnant. Nanny sautillait dans ma direction, tenant un plateau entre ses mains. Verne la suivait. Elle posa le plateau sur la table de chevet et me regarda d’une façon qui me rappela que ma chemise de nuit en nylon était transparente.

— Le thé, petite demoiselle, et le lait de l’enfant. Vous voulez bien le surveiller pendant que je prépare le petit déjeuner ? Il est toujours nerveux quand il y a de l’orage.



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