Les Aventures de Tom Sawyer by Mark Twain

Les Aventures de Tom Sawyer by Mark Twain

Auteur:Mark Twain [Twain, Mark]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2010-12-05T05:00:00+00:00


CHAPITRE XVIII

Cependant, en ce calme après-midi du samedi, la joie était loin de régner au village de Saint-Petersburg. La famille Harper et celle de tante Polly préparaient leurs vêtements de deuil à grand renfort de larmes et de sanglots. Un silence inhabituel pesait sur toutes les maisons. Les enfants redoutaient le congé du dimanche et n’avaient aucun goût à jouer, aucun entrain.

Au cours de la journée, Becky Thatcher se surprit à errer dans la cour déserte de l’école, mais ne trouva rien pour dissiper sa mélancolie.

« Oh ! si seulement j’avais gardé sa boule de cuivre ! soupira-t-elle. Mais je n’ai rien pour me souvenir de lui ! »

Elle s’arrêta et considéra l’un des angles de la classe.

« C’était ici, fit-elle, poursuivant son monologue intérieur. Si c’était à recommencer, je ne dirai jamais ce que j’ai dit… Non, pour rien au monde. Mais, maintenant, c’est fini. Il est parti. Je ne le reverrai plus jamais, jamais, jamais… »

Cette pensée lui fendit le cœur et les larmes lui inondèrent le visage. Garçons et filles, profitant de leur journée de congé, vinrent à l’école comme on va faire un pieux pèlerinage. Ils se mirent à parler de Tom et de Joe, et chacun désigna l’endroit où il avait vu ses deux camarades pour la dernière fois.

« J’étais là, juste comme je suis maintenant. Il se tenait ici, à ta place. J’étais aussi près que ça, et il souriait ainsi. Et puis quelque chose de terrible m’a traversé. Je n’ai pas compris à ce moment-là. Si j’avais su ! »

Puis on se querella pour savoir qui les avait vus le dernier, chacun se disputant ce triste privilège. Quand les témoins eurent tranché, les heureux élus prirent un air d’importance, éveillant autour d’eux l’admiration et l’envie. Un pauvre garçon qui n’avait rien d’autre à proposer alla jusqu’à dire, avec une fierté manifeste à ce souvenir :

« Eh bien, moi, une fois, Tom Sawyer m’a battu ! »

Mais cette tentative pour mériter la gloire fut un échec : la plupart des garçons pouvaient en dire autant, et cela ôtait tout son prix à l’exploit. Le groupe s’éloigna enfin en évoquant à voix sourde le souvenir des héros disparus.

Le lendemain, après l’école du dimanche, le glas se mit à sonner au lieu du carillon qui conviait d’habitude les fidèles au service. L’air était calme et le son triste de la cloche s’harmonisait parfaitement avec le silence de la nature. Les villageois arrivèrent un à un. Ils s’arrêtaient un instant sous le porche pour échanger à voix basse leurs impressions sur le triste événement. À l’intérieur de l’église, pas un murmure, pas un chuchotement, rien que le frou-frou discret des robes de deuil. Jamais la petite chapelle n’avait contenu tant de monde. Lorsque tante Polly fit son entrée, suivie de Sid, de Mary et de toute la famille Harper, l’assistance entière se leva et attendit debout que les parents éplorés des petits disparus se fussent assis au premier rang. Alors, au milieu du silence recueilli, ponctué de brefs sanglots, le pasteur étendit les deux mains et commença tout haut à prier.



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