Le voleur d'ombres by Marc levy

Le voleur d'ombres by Marc levy

Auteur:Marc levy [Levy, Marc]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Litterature
Éditeur: Alexandriz
Publié: 2010-06-22T22:00:00+00:00


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Au cours du dîner, maman engagea la conversation avec Sophie. À travers les questions qu’elle lui posait, c’était ma vie qu’elle interrogeait, Maman est si pudique. Sophie lui demanda quel genre d’enfant j’avais été. C’est toujours étrange lorsque l’on parle de vous en votre présence, plus encore quand les protagonistes feignent d’ignorer que vous êtes à côté d’eux. Maman assura que j’étais un garçon tranquille, mais elle ignorait tant de choses de l’enfance que j’avais vraiment vécue. Elle marqua une courte pause et déclara que je ne l’avais jamais déçue.

J’aime les rides qui se sont formées autour de sa bouche et de ses yeux. Je sais qu’elle les déteste ; moi, elles me rassurent. C’est notre vie à tous les deux que je lis sur son visage. Ce n’était peut-être pas mon enfance qui me manquait depuis mon retour ici, mais ma mère, nos moments complices, nos samedis après-midi au supermarché, les repas que nous partagions le soir, parfois dans le plus grand silence mais si proches l’un de l’autre, les nuits où elle venait me rejoindre dans ma chambre, s’allongeant à côté de moi, glissant la main dans mes cheveux. Les années ne passent qu’en apparence. Les moments les plus simples sont ancrés en nous à jamais.

Sophie lui parla de la disparition d’un petit garçon qu’elle n’avait pu sauver, de la difficulté à donner le meilleur de soi en se préservant du chagrin qu’engendre l’échec. Maman lui répondit qu’avec les enfants, le renoncement était une souffrance encore plus terrible. Certains médecins réussissaient à s’endurcir plus que d’autres mais elle jura que, pour chacun d’eux, la difficulté de perdre un patient était la même. Il m’est arrivé de me demander si je n’avais pas fait médecine dans l’espoir de guérir un jour ma mère des blessures de son existence.

Le dîner passé, maman se retira discrètement. J’entraînai Sophie vers le jardin, à l’arrière de la maison. La nuit était douce, Sophie posa sa tête sur mon épaule et me remercia de l’avoir éloignée quelques heures de l’hôpital. Je m’excusai des bavardages de ma mère, de n’avoir su trouver une idée de week-end plus intime.

— Que voulais-tu trouver de plus intime qu’ici ? Je t’ai parlé cent fois de moi, cent fois tu m’as écoutée mais toi tu ne dis jamais rien. Ce soir, j’ai l’impression d’avoir rattrapé un peu de mon retard.

La lune se levait, Sophie me fit remarquer qu’elle était pleine. Je redressai la tête et regardai la toiture de la maison. L’ardoise luisait.

— Viens, lui dis-je en l’entraînant par la main, ne fais pas de bruit et suis-moi.

Lorsque nous arrivâmes au grenier, j’invitai Sophie à se mettre à genoux pour se faufiler sous les combles. Assis devant la lucarne, je l’ai embrassée. Nous sommes restés un long moment à écouter le silence qui nous enveloppait.

Le sommeil eut raison de Sophie. Elle me laissa et, avant de refermer la trappe, me dit que si mon lit était trop petit, je pouvais venir la rejoindre dans le sien.



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