Le volcan by Mann Klaus

Le volcan by Mann Klaus

Auteur:Mann, Klaus [Mann, Klaus]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Hachette France
Publié: 2006-09-19T22:00:00+00:00


Le jour suivant il y avait affluence dans l'auberge. Un club de joueurs de quilles fêtait son vingtième anniversaire. La bière coulait à flots et Mme Bârli était tellement occupée qu'elle oublia la cliente de la chambre 7 qui, d'ailleurs, avait demandé qu'on la laissât dormir. C'est seulement le soir qu'elle réalisa qu'elle ne l'avait pas vue de la journée. Elle trouva la porte fermée, frappa, appela, frappa plus fort et demanda finalement au garçon d'ouvrir. Tilly ne donnait plus signe de vie. Sur la table les lettres étaient convenablement posées l'une sur l'autre. Mme Bârli se mit à pleurer, plus par suite du choc nerveux que parce que cette mort l'affectait vraiment.

Lorsque Peter Hürlimann parut, le médecin était déjà passé. La police aussi avait déjà fait son travail. Peter arriva tard ; il avait été au concert, puis au café. Il était blême, ses lèvres tremblaient ; il répétait continuellement :

- Mais, c'est impossible !

- Si, répondit Mme Bârli, le médecin a constaté la mort. Elle est morte il y a quelques heures mais, avant, elle avait certainement perdu conscience. Espérons qu'elle n'a pas eu trop à souffrir. Elle est si belle, si sereine. On dirait un ange, vous ne trouvez pas, M. Hürlimann ? Sa mort n'a pas dû être trop pénible. Peut-être aurait-on pu la sauver, la pauvre ! Ah, si seulement il n'y avait pas eu cette fête du club de quilles !

Peter se tenait immobile devant le corps de cire de sa bien-aimée. Qu'elle était belle ! Qu'elle était pure et, en même temps, combien lointaine !

— Elle est devenue toute petite ! répéta-t-il à plusieurs reprises.

Puis il se mit à trépigner sous l'effet d'un accès de colère contenue, ou bien parce qu'il cherchait à retenir ses larmes. Alors Mme Bârli prit peur. « Le pauvre garçon », dit-elle en regardant le jeune homme dont le visage se décomposait. Finalement les larmes se mirent à couler sur ses joues rondes.

Ce fut donc Peter qui dut apporter la lettre de Tilly à Mme von Kammer. Celle-ci parut sur le pas de la porte dans un déshabillé noir qui lui donnait l'air dur, sévère et un peu théâtral d'une veuve.

— Monsieur Hürlimann ? demanda-t-elle, froide et distante, en vraie femme du monde. Ma fille est à Bâle.

— Non, dit Peter, non.

Il était là, tout embarrassé, les yeux remplis de larmes et la langue comme paralysée. Mme von Kammer comprit. Elle poussa un cri, chancela, tendit la main vers la lettre comme vers quelque chose à quoi elle pût espérer se raccrocher.

— Qu'est-il arrivé ? demanda-t-elle d'un ton guindé, conventionnel, car une telle question lui apparaissait, en dépit de tout, parfaitement justifiée.

La lettre à la main, elle garda un moment la bouche ouverte, mais aucun son n'en sortit. Cette bouche, tel un trou noir sur une face figée, donnait à son visage l'aspect d'un masque tragique. Peter se souvint que Tilly, en certaines occasions, avait une façon semblable d'ouvrir la bouche. Terrassée par le malheur, comme par un coup de poing, pour la première fois Mme Von Kammer ressemblait à sa fille.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.