Le Testament de Marie by Toibin Colm

Le Testament de Marie by Toibin Colm

Auteur:Toibin, Colm [Toibin, Colm]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Irlande, Littérature étrangère
Amazon: B00XUZGY5W
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 2015-08-19T22:00:00+00:00


*

Quand Marc est venu, je l’attendais. J’ai entendu frapper à la porte. Puis je l’ai entendu demander à une voisine où j’étais. Je lui ai ouvert. Les ombres s’allongeaient, mais je n’ai pas réagi ; cela faisait un mois ou plus que je n’avais pas allumé de lampe. Je l’ai invité à s’asseoir à la table et je lui ai offert de l’eau et des fruits. Je lui ai demandé de me dire ce qu’il pouvait. Il n’avait qu’une chose à me rapporter, a-t-il dit. Je devais être prête à entendre le pire. Une décision avait été prise afin de mettre fin au désordre. Il s’est tu, et j’ai pensé que mon fils serait peut-être banni ou condamné à ne plus apparaître en public ou à ne plus prendre la parole publiquement. Je me suis levée. Je suis allée à la porte, sans réfléchir – comme pour quitter la maison avant d’entendre ce qu’il s’apprêtait à me dire. Mais je n’ai pas atteint la porte à temps. Marc a parlé d’une voix neutre et ferme.

« Il sera crucifié. »

Je me suis retournée. À la façon dont il avait prononcé ces mots, il ne restait qu’une seule question.

« Quand ?

— Bientôt. Il s’est rapproché une fois de plus du centre du pouvoir. Ses disciples sont toujours plus nombreux. Les autorités savent où il est et peuvent le capturer à tout moment.

— Y a-t-il moyen d’empêcher cela ? »

Ma question était stupide, mais inévitable.

« Non. Il faut que tu partes avant le jour. Ils vont arrêter tous ses disciples.

— Je n’en fais pas partie.

— Tu dois me croire. Ils viendront te prendre. Tu dois partir. »

J’étais restée debout. Je lui ai demandé ce qu’il comptait faire.

« Je vais m’en aller. Mais je peux te donner une adresse à Jérusalem où tu seras en sécurité.

— Où je serai en sécurité, dis-tu ?

— Tu seras en sécurité jusqu’à nouvel ordre à Jérusalem.

— Où est mon fils ?

— Près de Jérusalem. Ils ont déjà choisi le lieu du crucifiement. Ce sera dans les environs de la ville. S’il a la moindre chance de s’échapper, ce sera sur place. On m’a dit que son sort était scellé depuis un certain temps déjà. Ils attendent leur heure, c’est tout. »

J’avais déjà eu l’occasion de voir de loin un crucifiement exécuté par les Romains sur l’un des leurs. Je me souviens d’avoir pensé sur le moment que c’était la scène la plus ignoble et la plus terrifiante jamais inventée par des hommes. J’ai pensé aussi que j’étais vieille, que je vieillirais encore et que j’espérais bien être morte avant de revoir jamais une chose semblable. Son image s’était gravée en moi. Elle me faisait frissonner, je devais m’obliger à n’y plus penser pour en effacer l’indicible, la féroce cruauté. Pour autant, je ne savais pas de quoi exactement mouraient les suppliciés, ni le temps qu’ils mettaient à mourir, si les bourreaux se servaient de lances ou les torturaient pendant qu’ils étaient pendus là, ou si c’était autre chose, par exemple la brûlure du soleil, qui entraînait la mort lente du corps.



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