Le Cul de Judas by Lobo Antunes António

Le Cul de Judas by Lobo Antunes António

Auteur:Lobo Antunes, António [Lobo Antunes, António]
La langue: eng
Format: epub
Tags: Guerre
Éditeur: Alexandriz (membre, upload)
Publié: 2010-12-12T10:26:24+00:00


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Lisbonne, même à cette heure-ci, est une ville aussi dépourvue de mystère qu’une plage de nudistes où le soleil révélateur souligne brutalement des fesses plates et des poitrines sans cône d’ombre pour leur donner du relief, que la mer semble abandonner sur le sable comme des galets sans arêtes à marée basse. Une nuit d’étude de notaire où dans des draps de papier timbré ronfle timidement une population de troisième clercs résignés, transforme les maisons et les immeubles en caveaux de famille tristes, à l’intérieur desquels des couples aigris oublient pendant quelques heures leurs minuscules querelles, pour ressembler à des statues de gisants en pyjama à rayures, que le réveille-matin au chevet du lit poussera bientôt vers leur quotidienneté frénétique et grise. Au parc Eduardo VII, les homosexuels surgissent des ténèbres à l’approche des voitures offrant derrière les arbustes des mines affectées de méduse de plastique et la vibration de cils de leurs paupières myopes dont l’excès de rimmel souligne les promesses douteuses. De l’autre côté de la rue, le Palais de Justice, qui n’est pas encore envahi par les sourires rouillés de caries des prostituées qui partagent avec les insectes la douche de lumière pâle des réverbères des alentours, remplissait une espèce de plate-forme de gazon de son immense volume réprobateur : là-dedans, devant un juge indifférent, occupé à palper soigneusement le furoncle de son cou, mon mariage finira sans grandeur ni gloire, après plusieurs mois faits de retrouvailles et de séparations lancinantes qui ont mis en lambeaux d’angoisse ce qui me restait d’un long hiver de peine. Nous nous sommes séparés, vous savez ce que c’est, dans la paix faite de soulagement et remords, et nous nous sommes dit au revoir dans l’ascenseur, comme deux étrangers, échangeant un dernier baiser où il y avait encore un zeste mal digéré de désespoir. Je ne sais pas s’il vous est arrivé la même chose à vous, si par hasard vous avez connu l’agonie des week-ends clandestins dans des auberges au bord de la mer, dans un désordre de vagues couleur de plomb, écrasées contre le ciment écaillé du balcon, et les dunes qui touchent le ciel nuageux et bas identique à un plafond au stuc déchiqueté, si vous avez étreint un corps qu’à la fois on aime et qu’on n’aime pas, dans la hâte anxieuse des petits singes qui s’accrochent aux poils indifférents de leurs mères, si vous avez fait sans grande conviction des promesses précipitées, découlant beaucoup plus de la panique de votre angoisse que d’une véritable tendresse généreuse. Pendant un an, vous comprenez, j’ai trébuché de maison en maison, de femme en femme, dans une frénésie de gosse aveugle qui tâtonne derrière le bras qui lui échappe, et je me suis réveillé souvent, tout seul, dans des chambres d’hôtel impersonnelles comme des visages de psychanalystes, uni par un téléphone sans chiffres à l’amabilité vaguement méfiante de la réception, aux yeux de qui mon bagage réduit me rendait suspect. J’ai abîmé mes dents et mon estomac dans des restaurants,



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