Le Conte d'Hiver by William Shakespeare

Le Conte d'Hiver by William Shakespeare

Auteur:William Shakespeare [Shakespeare, William]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Théâtre
Éditeur: Atramenta (www.atramenta.net)
Publié: 2011-11-15T00:00:00+00:00


SCÈNE I

Appartement dans le palais.

Entrent POLIXÈNE ET CAMILLO.

POLIXÈNE.-Je te prie, cher Camillo, ne m'importune pas davantage ; c'est pour moi une maladie de te refuser quelque chose ; mais ce serait une mort de t'accorder cette demande.

CAMILLO.-Il y a seize années que je n'ai revu mon pays. Je désire y reposer mes os, quoique j'aie respiré un air étranger pendant la plus grande partie de ma vie. D'ailleurs, le roi repentant, mon maître, m'a envoyé demander : je pourrais apporter quelque soulagement à ses cruels chagrins, ou du moins j'ai la présomption de le croire ; ce qui est un second aiguillon qui me pousse à partir.

POLIXÈNE.-Si tu m'aimes, Camillo, n'efface pas tous tes services passés, en me quittant à présent : le besoin que j'ai de toi, c'est ta propre vertu qui l'a fait naître ; il valait mieux ne te posséder jamais que de te perdre ainsi : tu m'as commencé des entreprises que personne n'est en état de bien conduire sans toi : tu dois ou rester pour les mener toi-même jusqu'à leur entière exécution, ou emporter avec toi tous les services que tu m'as rendus. Si je ne les ai pas assez récompensés, et je ne puis trop les récompenser, mon étude désormais sera de t'en prouver mieux ma reconnaissance, et j'en recueillerai encore l'avantage d'augmenter notre amitié.

Je te prie, ne me parle plus de ce fatal pays de Sicile, dont le nom seul me rappelle avec douleur le souvenir de mon frère, avec lequel je suis réconcilié, de ce roi repentant, comme tu le nommes, et pour lequel on doit même à présent déplorer comme de nouveau la perte qu'il a faite de ses enfants et de la plus vertueuse des reines.-Dis-moi, quand as-tu vu le prince Florizel, mon fils ? Les rois ne sont pas moins malheureux d'avoir des enfants indignes d'eux que de les perdre lorsqu'ils ont éprouvé leurs vertus.

CAMILLO.-Seigneur, il y a trois jours que j'ai vu le prince : quelles peuvent être ses heureuses occupations, c'est ce que j'ignore ; mais j'ai remarqué parfois que, depuis quelque temps il est fort retiré de la cour, et qu'on le voit moins assidu que par le passé aux exercices de son rang.

POLIXÈNE.-J'ai fait la même remarque que vous, Camillo, et avec quelque attention : au point que j'ai des yeux à mon service qui veillent sur son éloignement de la cour ; et j'ai été informé qu'il est presque toujours dans la maison d'un berger des plus simples, un homme qui, dit-on, d'un état de néant, est parvenu, par des moyens que ne peuvent concevoir ses voisins, à une fortune incalculable.

CAMILLO.-J'ai entendu parler de cet homme, seigneur ; il a une fille des plus rares : sa réputation s'étend au delà de ce qu'on peut attendre, en la voyant sortir d'une semblable chaumière.

POLIXÈNE.-C'est là aussi une partie de ce qu'on m'a rapporté.

Mais je crains l'appât qui attire là notre fils. Il faut que tu m'accompagnes en ce lieu : je veux aller, sans



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