La Montagne en sucre by Stegner Wallace

Auteur:Stegner, Wallace [Stegner, Wallace]
La langue: eng
Format: epub
Tags: Lit. Americaine, Roman, Saga familiale
ISBN: 9782404003696
Google: xjXeCwAAQBAJ
Éditeur: GALLMEISTER
Publié: 2016-03-30T22:00:00+00:00

4

CHET ne bougea pas de la maison jusqu’à l’après-midi. Le silence qui y régnait l’inquiétait un peu et il avait la gorge nouée à la pensée de ce qui se passerait si sa mère, son père et Bruce ne revenaient plus jamais. Il lui incombait d’être l’homme de la maison, responsable des feux, des bêtes, de l’intendance et du ménage. Il allait assumer ces responsabilités avec le plus grand sérieux. Il commença par surveiller les feux de très près, comme s’ils eussent toutes les dix minutes menacé de mourir faute de combustible. Il fit les lits. Il empoigna le balai et passa le chiffon à poussière dans le salon et la salle à manger.

Vers midi, alors qu’il était devant son deuxième bol de soupe au lait, le jeune homme qui s’appelait Vickers repassa. Il avait besoin de lits et de literie. Chet l’aida à démonter les deux lits doubles et à les charger sur le traîneau. Il dormirait sur le sofa du salon. D’ailleurs cette pièce était la mieux chauffée ; il aurait plaisir à se déshabiller à côté du poêle et à se glisser sous les couvertures sans avoir à monter un escalier glacial.

Dressant sur la table de la cuisine la liste des articles qu’il emportait, Vickers avisa le fût et les bouteilles.

— Est-ce que par hasard ton père accepterait d’en céder un peu ?

— Mais oui. C’est pour ça qu’il s’en est procuré, pour le revendre en guise de remède contre la grippe.

— Qu’est-ce que tu as exactement ?

— Rye et bourbon, répondit Chet du tac au tac. Mais je crois bien qu’il ne reste plus beaucoup de bourbon. (Il souleva le couvercle de la dernière caisse.) Oui, plus que cinq bouteilles.

— Et tu en demandes ? s’enquit Vickers en sortant son portefeuille.

— Quatre dollars la bouteille.

Chet se reprit, lança un coup d’œil à Vickers. S’il en obtenait plus que le prix normal, on serait bien obligé d’admettre qu’il avait gardé la maison comme un chef.

— À moins que ce soit quatre et demi. Je ne sais plus trop. (Le visage de Vickers restait inexpressif.) Ce n’est sûrement pas cinq dollars, non. Je ne voudrais surtout pas vous voler.

Sous le regard fixe de son visiteur, Chet se sentait perdre contenance.

— Il faut que j’aille voir, dit-il en s’enfuyant dans le couloir. Je crois qu’il y a une liste avec les tarifs.

Il demeura un moment dans l’entrée avant de reparaître, le visage sérieux, l’âme retorse.

— C’est bien ce que je pensais, annonça-t-il d’un air détaché : quatre cinquante.

Vickers tira vingt-deux dollars de son portefeuille, pécha cinquante cents dans sa poche et prit la caisse incomplète. Il s’arrêta sur le seuil, regarda Chet et se mit à rire.

— Qu’est-ce que tu vas faire des deux dollars cinquante en plus ?

Chet sentit son cœur s’arrêter de battre, il avait le visage en feu.

— Quels deux dollars cinquante ?

— Aucune importance, dit Vickers. Est-ce que tu as tout ce qui faut pour ta subsistance ?

— J’ai plusieurs pots de lait, répondit Chet, soulagé.

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