La Marquise d'O by Kleist Heinrich von

La Marquise d'O by Kleist Heinrich von

Auteur:Kleist, Heinrich von [Kleist, Heinrich von]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Allemande
Éditeur: Nicor - TAZ
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


L'Ordalie

Les épreuves de la marquise1, grosse « sans savoir comment », chassée par sa famille et mise au ban de la société, aussi bien que le happy end, ont toutes les apparences du mélodrame. On pourrait presque en rire, comme le font sans doute les lecteurs de la gazette où l’héroïne rend publique sa bizarre infortune2. D’où vient pourtant la grâce singulière qui émane du récit, dès les premières lignes ? D’où vient l’impression de mystère qui se dégage de la suite accélérée des événements, et tient jusqu’au bout le lecteur captif dans d’invisibles voiles, comme un rêve dont on se réveille ?

C'est d’abord au style que l’on doit cette magie. D’une simplicité apparente, les phrases s’allongent souvent démesurément, mêlant exposition des faits, retours en arrière, sentiments des personnages, dialogues directs ou indirects, notations quasi scéniques des attitudes, des physionomies, des décors, des mouvements, et même des silences : Kleist prosateur reste un dramaturge. Le lecteur est étourdi par un tourbillon narratif, comme un spectateur de film l’est par celui des images3: l’enchaînement rapide des péripéties paralyse son sens critique, et prévient le sourire ou le doute. Mais il y a plus, qui tient justement à un procédé d’ordre visuel : dans un univers irréel à force d’agitation – où l’on voit en quelques paragraphes une citadelle prise d’assaut comme à la parade, une jeune femme échapper à un viol collectif, ses agresseurs se faire fusiller, son sauveur « mourir », ressusciter et réapparaître, pour demander sa main en exigeant une réponse immédiate –, la marquise semble une sorte de point fixe, le pivot autour duquel tournent les protagonistes. Au milieu de ces pantins qui courent, tuent, pérorent, condamnent, absolvent, partent, reviennent, elle seule suit sa pente, elle seule garde une identité.

Ou plutôt cherche à la (re)trouver, puisque son état la rend brusquement étrangère à sa famille, et à elle-même, comme le marque l’abréviation de son nom, réduit à une simple initiale3. Mais elle garde une étrange tranquillité, comme si sa « chute » entraînait son entourage, plutôt qu’elle-même, dans un tournoiement vertigineux, dans un maelström moral qui bouleverse toutes les harmonies et fait vaciller l’ordre du monde 4. Le sol, comme dans une autre nouvelle célèbre de Kleist5, s’est dérobé sous les pieds de la marquise. Et le déséquilibre général qui en résulte la met d’abord au ban : comme ces arbres frappés par la foudre, que les Anciens considéraient comme sacrés 6, elle est mise à l’écart, « tenue en respect » dans tous les sens du terme. En assumant sa solitude, elle risque de devenir folle, ou de passer pour telle. C'est le sort que connaissent fréquemment, chez Kleist, les personnages porteurs de la grâce, ou touchés par elle : les quatre jeunes protestants iconoclastes, dans Sainte Cécile ou la puissance de la musique, brusquement convertis au catholicisme au moment où ils s’apprêtaient à saccager une église, finissent leur existence prostrés dans un asile ; la passion du droit et de la justice sociale fait de Michael



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