La légende de Bloodsmoor by Joyce Carol Oates

Auteur:Joyce Carol Oates
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock

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Depuis des millénaires les esprits errent de par le monde, mais ils n’ont commencé à communiquer, avec une ardeur sans précédent, que vers le milieu du xixe siècle ; leur point d’atterrissage fut la ville d’Arcadia – un nom prédestiné – dans l’État de New York, où demeurait en 1848 la famille Fox.

Comme les Zinn, qui avaient été dérangés par d’inexplicables craquements, et par l’intervention mystérieuse d’« esprits » dans leur maison, les Fox se plaignirent de troubles de plus en plus fréquents, jusqu’au soir mémorable (le 31 mars 1848) où un invité demanda à la « présence » son identité, et les raisons de cette agitation ; la séance, fort laborieuse, dura une grande partie de la nuit, et les résultats furent stupéfiants. Communiquant uniquement par des coups frappés aux murs et aux portes, l’esprit raconta qu’il avait été colporteur, qu’on l’avait assassiné pour de l’argent, et enterré dans la cave !

(Je ne puis retenir un frisson d’excitation en rapportant au lecteur qu’on découvrit, sous la terre battue de la cave, un squelette humain disloqué – sans aucun doute, les restes du colporteur.)

Le monde des esprits fit donc son apparition parmi les vivants, et les conséquences furent terribles.

Les sœurs Fox, alors très célèbres, devaient être dénoncées pour leur imposture par un parent malveillant, qui réduisit leurs pouvoirs à de la magie de salon, mais leur renommée s’étendit au-delà d’Arcadia, dans les paysages bucoliques du nord de l’État, où elles firent école. Un premier médium apparut à Ebenezer ; puis un deuxième, à Brockport ; dans le seul village de Pendleton, on en découvrit cinq ou six ! – et autant à Ithaca… ! À Syracuse, un poney de Shetland avait le don de seconde vue ! À Buffalo, les frères Davenport se découvrirent des talents fabuleux et surent manipuler les journalistes crédules avec encore plus d’habileté que les sœurs Fox. Dans le décor idyllique des collines de Morah, au sud du Grand Canal, deux labradors, la timide Lupa et son fils Remus, très apprécié des foules, se forgèrent une belle réputation de médiums, rapportant à leur maître un revenu confortable.

Ainsi, durant les prodigieuses années 50, les citoyens du monde des esprits devinrent beaucoup plus nombreux, communiquant grâce à des médiums de tous âges, sexes et origines, et ils se manifestèrent de façon de plus en plus diverse ; bientôt, les craquements et les coups frappés aux murs furent remplacés par des voix faibles mais distinctes, par des instruments de musique très sonores, par des inscriptions sur des tableaux noirs, et parfois, selon l’éclairage, à l’heure du crépuscule… par des formes ectoplasmiques voilées ! (À l’insu de Deirdre, qui ignorait l’ampleur du phénomène dont elle était le malheureux jouet, l’esprit Zachariah intervenait auprès d’innombrables médiums dans l’État de New York et dans l’Ohio, se plaignant d’avoir connu une terrible agonie dans un hôpital de campagne insalubre où il était mort de la gangrène après avoir combattu sous les ordres du général Washington. Cette malheureuse destinée explique la mauvaise humeur constante

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