Indochine by Camille Bouchard

Indochine by Camille Bouchard

Auteur:Camille Bouchard [Bouchard, Camille]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
ISBN: 9782764635575
Éditeur: Editions du Boréal
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


L’apocalypse

J’étais étendu à plat ventre dans l’herbe au pied de la colline, prêt à me battre, attendant qu’on donne le signal de commencer l’assaut. Combien étions-nous, ce soir-là, à défendre le point d’appui en contrebas ? Trente ? Cinquante ? Moins de cent, en tout cas. Je reconnaissais des reliquats d’unités et de régiments mélangés, paras et commandos de tous les horizons : Blancs, Maghrébins, Asiatiques, Noirs…

J’étais content de retrouver Badgi et Didier. Mon fusil, muni de sa baïonnette, me semblait peser cent kilos.

—  Nous sommes en première ligne, m’a soufflé Didier à l’oreille. Verguet a bien pensé à son affaire : il nous a placés de manière à éliminer ses concurrents dans le cœur de Hoài Nam.

—  Je ne suis pas un concurrent, ai-je menti.

Il s’est contenté de ricaner.

Badgi a posé une question qui nous a permis de changer de sujet. Je n’étais pas mécontent.

—  Il faudra grimper très haut ? a-t-il demandé à Didier qui, pour nous, était un vétéran.

—  Ça dépend des soirs, a répondu celui-ci. Il faut débusquer les sapes creusées au cours des dernières heures, et y massacrer à coups de grenades les bodoï qui y sont retranchés. Pendant ce temps, à l’abri des casemates, au sommet, les artilleurs vont s’amuser à nous canarder à la mitrailleuse et au mortier.

Je m’apprêtais à lancer une boutade pour masquer mon angoisse, mais j’ai été interrompu par une explosion. Dans la fraction de seconde qui a suivi, une gerbe de terre et d’eau s’est soulevée à moins de cinquante mètres. Mes oreilles sifflaient si fort que j’ai eu peine à entendre le cri de douleur d’un copain.

—  Une pièce de 120 millimètres ! a hurlé Didier, une main sur son casque comme pour se protéger d’une deuxième bombe éventuelle.

—  Comment peux-tu le savoir ? ai-je demandé.

—  Crois-moi, reconnaître les calibres au son est un talent qu’on développe vite.

L’apocalypse s’est déchaînée au moment où nos propres pièces de 120 millimètres ont été tirées vers le sommet de la colline. On nous préparait le chemin. À travers le rideau de la pluie, les explosions ressemblaient à des bouquets de fleurs phosphorescentes. La fumée se fondait dans les nuées déjà grises d’eau. Le sol s’est mis à vibrer contre nos ventres comme si nous étions secoués de coliques. Le soir s’est enflammé d’un soleil stroboscopique. En dépit de la pluie, nous distinguions le sommet. La menace immobile et silencieuse des factionnaires ennemis a fait place à une danse folle et tonitruante dans laquelle les herbes ondulaient, pareilles aux bras d’une ballerine.

Pendant de longues minutes, nous n’avons eu de l’univers qu’une vision sans couleurs où alternaient l’obscurité la plus profonde et la lumière la plus vive. Nous scrutions les ombres, les replis herbus, les combes, toutes les zones desquelles pouvait surgir, à chaque instant, l’hallali furieux des bodoï.

Soudain, les mortiers se sont tus. Le silence a coïncidé avec une accalmie des averses. Tandis que projecteurs et fusées éclairantes indiquaient la direction de la charge, la voix du lieutenant Verguet a éclaté, pareille à un coup de canon :

—



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