Hannah by Jean-Claude Mourlevat

Auteur:Jean-Claude Mourlevat [Mourlevat, Jean-Claude]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman jeunesse
Éditeur: Pocket Jeunesse
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

CHAPITRE IX

LE PORT

La charrette menée par Hilgom, un Petit Parfumeur, allait cahin-caha sur le chemin côtier. Assise à l’arrière, je me rappelais les mots qu’avait utilisés le conteur à propos de la rivière Qjar. Elle se trouvait, selon lui, au-delà du sable et de l’eau… Le sable, je l’avais franchi. L’eau, je la voyais scintiller à perte de vue sous le soleil d’automne. On entendait le bruissement tranquille des vagues.

L’océan… Il m’avait fallu tout ce temps pour l’atteindre. « Comment ferai-je maintenant pour le traverser ? me demandais-je. Et quels périls m’attendent de l’autre côté, si jamais j’y parviens ? Sans compter qu’il faudra bien revenir… »

J’en étais là de mes pensées, quand nous avons aperçu les toits en ardoise du port.

— Comment s’appelle cet endroit ?

— Oskedi-bekalidem ! m’a lancé Hilgom.

— Os… comment ?

— Oskedi-bekalidem. Ici tous les villages ont des noms à coucher dehors, et les gens aussi, vous verrez…

Nous avons suivi une ruelle pavée qui montait raide entre des maisons de brique. Trois enfants y faisaient rouler un chariot de leur fabrication. Arrivé tout en haut, mon Parfumeur m’a aidée à descendre de la charrette :

— Vous voulez traverser l’océan, n’est-ce pas ? Alors venez avec moi et j’aurai peut-être une surprise pour vous. Il y a une chance sur mille, mais sait-on jamais…

Il a frappé à une porte semblable aux autres, mais dont le heurtoir figurait une ancre marine. La fenêtre s’est ouverte à l’étage, et un colosse à l’air jovial en a rempli tout le cadre :

— Tiens, ce cher Hilgom ! s’est-il écrié. Vous êtes en bonne compagnie, dites-moi ! Entrez donc, tous les deux !

Un instant plus tard, nous étions dans le salon et Hilgom s’est chargé des présentations :

— Hannah, voici le capitaine Ogali-bahibombar. Il ne l’avouera pas car il est modeste, mais nul ne connaît la mer mieux que lui. Capitaine, voici Hannah, que nous avons recueillie et réveillée la semaine dernière.

L’énorme bonhomme m’a saluée d’un sourire amical :

— Félicitations ! Il aurait été dommage qu’elle reste endormie, cette petite !

— N’est-ce pas ? a timidement approuvé le Parfumeur. C’est justement d’elle qu’il s’agit : voyez-vous, capitaine, elle désire traverser, et je m’étais dit que peut-être…

— Vous vous êtes dit et vous avez eu raison ! Vous savez que je ne refuse rien à mes amis les Parfumeurs. D’ailleurs, elle n’a pas l’air bien lourde, cette jeune fille, je doute qu’elle fasse couler le navire !

Puis, s’adressant à moi :

— Nous partons après-demain, mademoiselle, cela vous convient-il ?

Comme j’en restais muette d’étonnement, il s’est aussitôt inquiété :

— Ah, je vois, c’est trop précipité. Vous n’aurez jamais le temps de faire vos bagages, c’est ça ?

— Mes… bagages ? ai-je bredouillé, et j’ai baissé les yeux vers le sac posé à mes pieds : Je n’ai que ça…

— Oui, c’est que… a repris Hilgom, un peu hésitant, elle ne possède pas grand-chose. D’ailleurs, elle ne pourra sans doute pas régler dès maintenant la totalité de…

— Je comprends, je comprends… a murmuré le capitaine, pensif, en observant mon sac efflanqué et ma couverture.

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