Fondamentaux de la vie sociale by Maurice Godelier

Fondamentaux de la vie sociale by Maurice Godelier

Auteur:Maurice Godelier [Godelier, Maurice]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: CNRS
Publié: 2019-10-30T08:27:17+00:00


Je voudrais revenir un instant sur les six composants de tout système de parenté. Cela permet aux jeunes chercheurs à qui je donne cours de se poser de bonnes questions sur le terrain : quels sont les principes de descendance ? quelles sont les règles d’alliance ? quelles sont les prescriptions et les proscriptions pour un nouveau couple ? quel est le tabou de l’inceste ?

Nous avons évoqué très rapidement le fait qu’un mariage entre frère et sœur était pratiqué en Égypte et en Perse antiques. Une telle union était un mariage divin car il reproduisait les unions entre les dieux qui avaient donné naissance aux hommes. On sait maintenant, grâce à la découverte d’archives, que ce n’était pas seulement le pharaon qui épousait sa sœur parce qu’il était Dieu, mais aussi des petits fonctionnaires, etc. En revanche, si un frère peut épouser sa sœur, une sœur son frère, le père ne couche pas avec sa fille. La mère ne couche pas avec son fils. Ainsi, le tabou de l’inceste subsiste entre les générations alors qu’il est levé à l’intérieur d’une génération pour des raisons religieuses, pour participer à la reproduction de l’univers idéologique dans lequel on est né.

Le mariage sacré chez les Perses antiques, c’était l’union d’un homme et d’une femme, frère et sœur, célébrée par un moine qui avait épousé lui-même sa sœur. Ce statut de couple était le plus valorisé dans la société. Pourquoi ? Parce que, dans le manichéisme, le monde est divisé en mal et en bien. Pour élargir le champ du bien, il faut se marier avec sa sœur. Ainsi, ceux qui se mariaient avec leur sœur étaient des héros sociaux qui faisaient reculer le mal dans la société et dans l’univers et ils méritaient la première place au paradis.

Pour beaucoup de religions – mais pas toutes –, la sexualité est source de choses terribles. Il faut la subordonner à la reproduction, et non pas au désir et au plaisir. Mais la sexualité humaine est asociale : on peut par exemple désirer sa mère. La société est toujours obligée de subordonner l’exercice de la sexualité à d’autres choses que la sexualité, la famille, l’économie, la religion. Aucune société n’accepte une sexualité permissive et toutes lui imposent des contraintes. En subordonnant la sexualité à la reproduction des rapports sociaux qui n’ont rien à voir avec elle, toutes les sociétés transforment le corps sexué des hommes et des femmes en une machine ventriloque qui tient un discours – qui ne vient jamais d’elle – sur l’ordre social et moral qui « doit » régner dans la société et que la sexualité doit contribuer à reproduire en se « socialisant ». Toute société doit rendre compatible la sexualité avec l’existence sociale des hommes et des femmes.



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